TOMBEAU DE JACQUES RÉDA

Sans jamais l’assombrir  comme une pure offrande : un Présent 

Belle hécatombe de mots
C’est enfin leurs fins
Dans les bras d’un sommeil
Que l’on dit éternel
La fête est finie
Mais les malheurs aussi
On vide les tiroirs
De tes cartes postales
Quelques tickets d’un bal
Ou d’un concert de jazz
Tu as fini aussi crédule
Et tendre sous l’écorce
Qu’un gosse des faubourgs
Que l’on voit siffloter
Le requiem de  Fauré
Entre les pages d’un album
Où quand vient notre tour
C’est toujours tout le monde
qui meurt... tout l’temps

SALE TEMPS POUR LES GRENADIERS





Sale temps pour grenadiers et voltigeurs de vers

Grenadiers ?

Ceux et celles qui dégoupillèrent la parole

sur les murs de Mai 68 :

Je suis un minoritaire né. Les plus forts, je suis contre.





Voltigeurs ?

De nos affects et de nos émotions, mises en mots,

mis en maux, avec tous les charmes voués à la forme.





Du vers ?

Toujours en mouvement,

si l’on ne veut pas qu’il nous étouffe,

mais jamais ignorant nos phares dans la nuit,

de Marot à Hugo, de Verlaine à Valéry.





Ainsi du sale temps je n’en ai cure

Et du vers je parcours son champ illimité.

(Oublions ces deux vers empreints de gravité)





Sous les pavés ma plage, de sable et de graviers,

Il n’y a pas d’avant-garde, il n’y a que des gens en retard.





italiques Jacques Réda, Romain Gary, anonyme Mai 68.