UN COURT INSTANT

Un court instant
Court mon poème
Il est nouveau
Il est ancien
Il est hors temps
Il est l’instant
Où l’on tisonne
Des mots de feu
Des mots de cendre
On ne sait pas

L’homme est d’argile
On se souvient
Du presque rien
De Frère Humain
De Sœur Fragile

Un court instant
Hors cogito
Je ne suis pas
Celui qui pense
Je suis la passe
de ce poème
Qui par à coups
A pris son temps

J’ÉCRIS DANS UN TEMPS INTERROMPU

J’ÉCRIS DANS UN TEMPS INTERROMPU (ni ininterrompu, ni perdu, ni retrouvé) J’écris dans un temps qui jouit de la douceur de la bonne santé J’écris dans l’impensé des nuits des corps rongés par l’infâme crabe J’écris dans le mouvement qui me fait passer au travers de périodes séparées de ma petite histoire J’écris de Jadis succédant au Maintenant J’écris sur les chemins des mythes qui reculent vers le futur J’écris à contre-temps des chroniques anachroniques J’écris en écoutant les Ombres errantes de François Couperin J’écris pièce par pièce ce qui ne peut-être rapiécé

LE TEMPS ET L’ESPACE D’UN POÈME

Le temps d’un poème 
Mimésis créatrice
C’est au sein du poème
Que jaillissent des images
La diction et la vision
vont de pair
Verlaine pour cela
préfèrait l’impair

L’espace d‘un poème
Le langage 
en état d’émergence
Secoue son lecteur
par sa nouveauté
C’est un retentissement
L’image poétique
prend racine en nous-mêmes
C’est du pur Bachelard

J’ÉCRIS TROP J’IMAGINE

J’ÉCRIS TROP J’IMAGINE à dada sur mon papier
J’écris à propos de tout et de rien
J’écris du vent dans les branches de sassafras 1
J’écris ça à ma petite lingère
J’écris pour le luth et pour les cœurs simples
J’écris pour ma grand-mère la dictée éternelle de son certificat d’études
J’écris des petites choses qui font plaisir qui flattent ou qui embêtent 2
J’écris des œuvres anthumes pour la postérité
J’écris en feuilletant les écrits des autres
Ces pages d’un temps autre
Ce temps qui ne passe pas

1 René de Obaldia (22 octobre 1918-27 janvier 2022) 2 Émile Berr (6 juin 1855- 9 octobre 1923)

LE TEMPS RECULE D’UN PAS

Le temps
Recule d’un pas
À la marelle
Nous jouons
Sans savoir
Que le temps
Avance toujours
C’est sûr
Sauf en rêve
Nous dormions
Cette nuit
Côte à côte
Nous parlions
Au chien
Qui veillait
Dans la maison
Tranquille

L’aube ouvrait
Ses yeux
Au dehors
Le temps
Reculait
De vingt ans
Je me réveille
Il est 8 heures
Me dit la radio
Enfin je crois

Danielle Nabonne
Dimanche 31 mars 2024