LE MONDE S’ÉCRABOUILLE

Le mode s’écrabouille, se trucide, se déchire et toi tu continues, ignoré de Balzac et des lecteurs futiles, à produire tes vers de mirliton, faisant tourner à qui mieux mieux ta toton, toupie d’un rituel d’oubli des sinistres réalités.

Oui, mais, aussi, cependant, travailler la métaphore vive, ne pas admettre sa perte, persister dans ce chant baroque des piétinements, basse continue et oxymorons, au grand dam des écrabouilleurs en tout genre, des trucideurs, des faiseurs de guerres infâmes,

Coeur d’amour épris, écrit Matisse fatigué, finissant, en découpant ses papiers de couleur, oiseaux du jazz, signes en verve, manière pour quelques secondes précieuses de réparer les maux du monde, et d’en éloigner jusqu’au bout, les amoureux fervents et les savants austères.

Millau la nuit du 11 juin 2025

JE PRÉFÉRERAIS VOUS PARLER DU SOIR

On se donne en donnant.

Et si on se donne, c’est qu’on se doit, soi et son bien,

aux autres.

Marcel Mauss





Je préfèrerais vous parler du soir

Encore un qui vient

et qui devrait apaiser la violence des jours actuels :

le monde d’en bas où des bagarres éclatent

pour entrer dans les rames

le monde d’en haut

ça hurle et ça klaxonne

les gens deviennent des bêtes*









Je préférerais vous parler de la douceur du soir

de l’aube affaiblie chère à Verlaine

de l’émotion réitérée de ceux et celles qui prennent conscience

d’avoir gagné leur journée

et de pouvoir enfin profiter de l’apaisement

de l’amitié de la confidentialité

mezza voce





Je préférerais vous parler des correspondances secrètes

entre les textes et les musiques

les associations de pensée

l’énergie bienveillante d’un monde

qui semble en voie de disparition





*Le Monde 17/12/2019