une fantaisie du soir
T’imagines c’est pas rien c’est quoi alors ? c’est trop long à t’expliquer
T’imagines c’est de l’occitan al lum rossèl d’una candèla censada eccartar la tronanda*
*à la lumière rousse d’une chandelle censée éloignée la foudre
T’imagines c’est chacun de tes doigts sauf l’index mis en quarantaine dans les caves du Vatican
T’imagines c’est un poème qui a fait une dépression nerveuse* il n’y a qu’un pessoïen pour trouver ça
*o meu poema teve un esgotamento nervoso
T’imagines sur une malle du grenier un chat-huant fumant la pipe de Magritte
T’imagines c’est l’horloge qui tourne dans la tête tranchée par la grande aiguille
T’imagines une voix d’outre-tombe qui déchire le papier
T’imagines tantôt la vie tantôt la mort et au milieu coule un fleuve noir
T’imagines des lettres minuscules qui magnétisent ton bas de casse
T’imagines c’est pas rien c’est quoi alors ?
T’as plus qu’à tout relire !
avec les phrases en occitan d’Ives Roqueta et de Daniel Jonas
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T’imagines la flamme vacillante
qui tremble au seuil de l’orage
T’imagines les ombres dansantes
sur la pierre usée d’un mas oublié
T’imagines la parole ancienne
échappée d’une bouche disparue
T’imagines c’est pas rien
c’est une lueur contre la nuit
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T’imagines un vers qui vacille, un alexandrin en syncope
Un sonnet qui balbutie, qui se cherche et s’égare
T’imagines des mots en crise d’identité
Un poème multiple aux mille visages
T’imagines que Pessoa hoche la tête
Dans un café où le temps se plie
Et que son ombre, en aparté, murmure :
« O meu poema teve un esgotamento nervoso »
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T’imagines, sur une malle du grenier,
un chat-huant fumant la pipe de Magritte.
T’imagines son œil d’ambre fendu d’irréel,
sa brume d’exhalaisons flottant entre deux mondes.
T’imagines qu’il hulule en silence,
écrivain nocturne du mystère enfumé.
T’imagines que la malle s’ouvre sur un ciel inversé,
où les bibelots rêvent d’être des idées.
T’imagines que ce n’est pas une pipe,
ni un chat-huant, ni même un grenier,
mais juste une pensée qui prend la tangente.
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T’imagines, c’est l’horloge qui tourne
dans la tête tranchée par la grande aiguille.
T’imagines le tic-tac résonner dans le vide,
un battement d’absence, une cadence égarée.
T’imagines le cadran fêlé d’un temps qui bégaie,
des secondes qui se sigbnent entre deux silences.
T’imagines que la nuit n’a plus d’heure,
que l’éternité cligne d’un œil fendu.
T’imagines que le passé s’effondre en spirale,
et que l’aiguille, enfin, s’arrête sur un rien
la Nada
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T’imagines une voix d’outre-tombe
qui déchire le papier.
T’imagines l’encre qui tremble,
les mots qui s’effacent sous le cri.
T’imagines un souffle ancien,
un écho froissé entre les lignes.
T’imagines que la page se tord,
qu’elle plie sous l’invisible poids du verbe.
T’imagines qu’il n’y a plus d’auteur,
juste une absence qui parle encore.
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T’imagines tantôt la vie, tantôt la mort,
et au milieu coule un fleuve noir.
T’imagines ses eaux épaisses, lentes,
chargées de reflets et de silences.
T’imagines des barques sans rame,
portant des ombres sans visage.
T’imagines que la rive hésite,
qu’elle tangue entre l’aube et la cendre.
T’imagines que le courant murmure
des noms oubliés, des adieux inachevés.
T’imagines, et pourtant,
le fleuve continue de couler.
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T’imagines des lettres minuscules
qui magnétisent ton bas de casse.
T’imagines le plomb frémissant,
l’alphabet en fièvre sous tes doigts.
T’imagines le « e » qui chuchote,
le « s » qui ondule en secret.
T’imagines la phrase inachevée,
le sens suspendu à un point oublié.
T’imagines que tout commence ici,
dans l’infime élan d’une lettre aimantée.
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T’imagines c’est pas rien c’est quoi alors ?
T’as plus qu’à tout relire !
T’imagines les mots qui se répondent,
les échos cachés entre les lignes ?
T’imagines le fil ténu,
l’invisible tracé sous l’encre ?
T’imagines que tout était déjà là,
épars, en attente d’un regard ?
T’imagines, et maintenant,
c’est à toi de jouer.
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