ARDOISE
L’éponge ronde sur l’ardoise
effaçait ton calcul mental
Les craies crissaient
dans notre maison d’école
ouverte à tous les vents
BÂTON
Sur la mi-nuit
Tu remues le bâton d’écriture
Tu vois l’une après l’autre
Les lettres en silence
Tomber
Comme les fleurs
De ton amandier
CALCULS
Tu te perds
Dans ces poèmes qui n’en finissent pas
Tu commences et tu hésites
Les calculs c’est pas bon
Pour l’imagination
CARTE POSTALE
Ce que tu crois
Tu ne le sais qu’en l’écrivant
Sur une carte postale
Aux abonnés absents
CHAT
Tu te promènes sur tes pages
Comme le chat dans la cervelle
De Baudelaire
Dont on fit un procès
Pour ses fleurs « absentes de tout bouquet »
CHIFFRES
Les chiffres avec leurs caractères rouges
Te disent qu’il est cinq heures
Ça te fait une belle jambe d’écriture !
ENFANT AUX POÈMES
Tu te sers des poèmes
Comme d’un élixir
Leurs images leurs ellipses
Et surtout tu apprécies leurs
Enjambements. Mais tu le sais
Tout ça c’est d’un autre temps
Celui d’une poésie éprouvée
Dès l’école. Tu y récitais
Le dormeur du val où chante
Une rivière Les colchiques
Et L’enfant au tambour de Follain.
NAISSANCE
Tu te souviens de la nuit où bébé tu sortis de l’eau du bain
Tu te souviens du 24 mars 1945
Tu te souviens de la roue à aubes de l’ancien moulin
Que tu habitas trente ans après
Actionnée par un torrent venu du Mont Né
Tu te souviens de sa musique à la fonte des neiges
Comme d’une renaissance
Qui n’en finit pas
NON-PHRASES
Lancées d’un seul jet
et sans point ni virgule
C’est ainsi que tu écris
Ces non-phrases sautant
D’un vers à l’autre
Au risque de t’y noyer
SECRETS
Tu n’as ni royaume
Ni cheval
Mais cet oiseau
À bec de plume
Qui vient la nuit
Te visiter
Te murmurant
Ses secrets
SOUFRE
Tu as les mains pleines
Du soufre de tes amours jaunes
Et si tu souffres
Tu feins d’abandonner
Cette homonymie
Au dictionnaire
Et à Corbière
Le pauvre Tristan
TOAST
Tu portes un toast à tes poèmes
C’est le dernier d’une série folle
Qui a chatouillé tes heures et tes neurones
À Martigues Bouches du Rhône
12/03/2021