– Et en Mai 68 alors quel âge avais-tu ?
– 23. Comme l’Enragé de Nanterre.
– Solidarité de classe ?
– Oui, les troufions de l’Histoire avec sa grande H, se désignaient ainsi,
sauf que nous la classe on l’a passée.
– ?
– Et oui, Cohn Bendit pour y échapper s’est réfugié dans sa seconde patrie la R.F.A .
et moi je suis parti en octobre faire la Coopé (la coopération culturelle) à Caracas.
– Tu as ainsi évité la gueule de bois post68.
– Tout juste. Et quand je suis rentré l’automne 70, Pompon était président,
et le Général n’allait pas tarder, bal tragique à Colombey, à casser sa pipe.
– Et toi tu as écrit pendant les Événements ?
– Presque rien sur le champ à part ça :
Nous allâmes aux fêtes de Mai
À l’âme enivrée d’une joie sans pareille
Nous allâmes aux fêtes de Mai
Jamais nous ne serons les mêmes !
– Et ensuite ?
– J’ai lu 68 livres, essais, histoire, romans, poèmes.
Dont le On ferme ! de Prévert, 68 ans en 68.
J’ai regardé les affiches et les peintures
Dont Mai 68 de Miró 75 ans à l’époque.
J’ai écrit des tonnes de suites par bouffées délirantes
toutes pour l’instant sont dans des pages à l’abri,
sous les pavés.
Dialogues intérieurs V

Mai 68 Joan Miró
68 j’avais 13 ans et je n’ai pas compris
sauf cet air de liberté quand les garçons
du lycée voisin envahissaient
notre lycée de fille
sauf à la maison mon père
qui ne pouvaient plus aller à l’usine
68 j’ai compris après dans mes années lycée
où le prof de physique lisait le journal
pendant le cours où l’on faisait des grèves
et des assemblées générale à la pelle
Oui « jamais nous ne serons les mêmes! »
malgré que tout est rentré dans les cadres
et qu’ils ont bien repris les rênes
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DU COUP AVEC LES MUSES DE MAI qui ont quitté la scène depuis 68 On renaît par milliers dans la besace des commémorations décennales On nous avait bien caché les ouvrières et les ouvriers On travaille à feu continu…nos ulcères fleurissent chante Magny pour ceux et celles de la Rodia Du coup on est tombé sur un o.s. qui en avait assez au premier chef des chefaillons Du coup à force d’entendre Devos répéter son sketch à quand les vacances à Caen les vacances Ça a mis la puce à l’oreille des ouvriers spécialisés de quelques usines du Calvados Du coup répétition générale anticipée entre crosses et grenades CRS face aux mutins caennais Du coup et blessures après la répression répression on entend une voix qui donne le titre au film de Chris Marker et qui annonce la couleur du cinéma effervescent de mai : À BIENTÔT J’ESPÈRE (ad lib)
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