Les mots il suffit qu’on les aime
Pour écrire un poème
Raymond Queneau
La poesie vanno sempre rilette,
lette, rilette, messe in carica ;
ogni lettura compie la ricarica.
Valerio Magrelli
Les poèmes doivent toujours être relus,
lus, relus, mis en charge ;
chaque lecture procède à la recharge.
(ma traduction)
J’aime les poèmes
J’en lis chaque nuit
Sans me soucier
De leur auteur
De leur sexe
De leur visage
De leurs ramages
De leurs complexes
De leurs créateurs
J’aime les poèmes
Qui me transportent
Au bord d’une rivière
Où je vivais hier passé 1
Jeannot on me nommait
Lapin de la Fontaine
J’aime les poèmes
Qui me multiplient
Dans des bouquins
Que personne plus
Ne lit
Sur mon écran
Bibliothèque universelle
Et dans ma tête
Tant qu’elle est capable
D’enchaîner vers et bêtises
Amour des bancs verts
Place de la gare à Charleville 2
J’aime les poèmes
Pour leurs fatrasies
Où le sens cède l’initiative
Aux sons
Mes yeux au bout d’une baguette
De sourcier
Sorcier
Sort scié
Mort réduite à l’épitaphe
D’un pauvre petit écolier
Dont le Je se fragmente
En pièces doutant de la différence
Entre vivants et trépassés
J’aime les poètes
Qui se moquent de Frère Frappart
Et qui chantent
Rap à part
La mort la mort toujours recommencée 3
J’aime les poèmes
D’azur d’amour
D’A noir D’Adada
J’aime les poèmes
Des mots bien (ou mal) placés
Mal (ou bien) choisis
Aux effets con- ou bien-venus
Aux paroles qui loin de s’envoler
Nous enrôlent nous font aurore
Actent et entérinent
Les songes d’une vie idéale
Où se mêlent lumières et ténèbres
Harmonie et chaos
Ce qu’il faut à mon cœur
Profond comme un abîme 4
1 Jean-Baptiste Chassignet 2 Rimbaud 3 Brassens 4 Baudelaire