DES RÊVES EN PAGAILLE 4
Je rêve de chiens perdus dont j’ai perdu le nom Je rêve de la figure dessinée sur un dé à jouer que les Espagnols appellent azahar (c’est la fleur d’oranger et le jeu de hasard) Je rêve de la pierre de Rosette mais c’est un sonnet de Ronsard qui a remplacé les hiéroglyphes Je rêve que je suis assis sur une pierre du Miroir des Oiseaux (à Martigues où j’habite) Je lis intérieurement un poème d’Octavio Paz dont je sens soudain la présence à mes côtés (carne y hueso) Je suis troublé bien que le poème évoque cette lutte où l’on est seul avec la parole hoy lucho a solas con una palabra. Paz s’évapore Queneau a pris sa place mais cette fois nous sommes à une table de bistrotLe poète sort un petit carnet il me mit Un enfant a dit Je sais des poèmes Je rêve que je fais des ricochets sous le pont de mon village qui enjambe l’Arize Je rêve que je saute à pieds joints depuis ma terrasse dans les lavandins Je rêve que ma fille Noémie me raconte son dernier rêve : Mathis 5 ans est au piano se balance fait le fou et tombe à la renverse rattrapée par les bras de mamie Jojo Je rêve que je sors d’une exposition de Morandi à Toulon et que je tombe sur une bande de marins éméchés qui chantent à tue-tête (mais pas à cloche pied) l’Internationale Je rêve que pendant la canicule je passe mes nuits dans le hamac du jardin fasciné par la constellation d’Orion…
poésie mode d'emploi 
Je rêve en cet après-midi tranquille d’un écho à Dorio
Je rêve de chiens perdus sans collier Je rêve de maestros naiperos españoles. Je rêve de pierre de rêves chinoise sur les traces de Ruan Yuan Je rêve que dans un monde tout blanc Víkingur Ólafsson joue Le rappel des Oiseaux de Rameau c’est un tel bonheur que je veux continuer mon rêve et être oiseleuse rappeler ces enchanteurs leurs gazouillis leurs sifflements leurs dialogues incessants Ólafsson s’envole Casals le remplace avec son violoncelle et me joue El Cant dels Ocells les oiseaux dans le ciel chantent paz paz paz Je rêve d’Amélie Poulain faisant des ricochets sur le canal Saint Martin Je rêve que je saute à pieds joints jouant à l’élastique dans la cour de l’école Je rêve que ma fille jolie me raconte un chemin au-dessus de la mer où elle a rencontré la lune et les étoiles sur un bateau à voiles partant pour le Japon Je rêve que ma mère morte depuis longtemps est un oiseau tout blanc un très beau cerf-volant que mon petit-fils manipule aisément Je rêve que je suis à la fondation Miró à Barcelone avec mon amoureux où nous tombons sur André Breton accompagné d’une épingle piquée dans un bouchon de liège et ornée d’une plume ils faisaient tous deux des pas de deux En ces jours caniculaires je rêve de verdure et de fontaines claires dans les jardins de MontJuïc
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petit cadeau :
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