AMOURS ET CONTR’AMOURS VOS ARDEURS ÉCRIVEZ


Amours et Contr’amours vos ardeurs écrivez
Amours pures d’un jet Contr’amours contariées
Les Amours de Ronsard Contr’amours de Jodelle
Couché au doux abri d’un myrte et d’un cyprès
D’Aubigné amoureux, les horreurs de la guerre
Tente en vain d’oublier Amour faites non la guerre
Allez mes vers accompagnez plutôt que massacres
Beautés Sonnets pour vos belles angevines
Belles comme l’aurore de paroles divines
D’un seul petit regard nous voilà enflammés
Comme on voit dans la nuit un beau ballet d’Amour
Contr’amour s’est noyé dans le fleuve Méandre
Vos yeux sur les minuits viennent encore me prendre

COMME UN QUI S’EST PERDU DANS LA PAGE PROFONDE

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Comme un qui s’est perdu dans la page profonde
Loin du « chemin » la ligne que suivent les gamins
Qui apprennent à écrire Comme un qui perd la main
Se voyant englouti par les remous de l’onde

Comme une qui s’est perdue dans la forêt des mythes
Lune, Diane, Hécate, aux cieux, terre et enfers
Ornant cette matière où hésitante elle perd
La voie, la route, la lumière, le sens de sa conduite

Comme on voit ces vers qui vacillent empêchés
de s’élever, libres et francs, dans la nuit d’un esprit
égaré par des songes creux trop détachés
de sa vie, alimentant ses douces rêveries
Comme un qui se reprend qui desserre ses nœuds 
ce bien présent plus fort que son mal, il veut croire

italiques Étienne Jodelle (1532-1573)



LES MONDES SE MÉLANGENT L’ANCIEN ET LE NOUVEAU

Les mondes se mélangent l’ancien et le nouveau
Ô monde, mais immonde ! Ô grand tout mais un rien !
Tous ces cercles roulants qui embrassent le monde :
J’y amarre le feu, l’air, la terre avec l’onde

Je recopie ces vers en ôtant le divin
Seigneur Dieu la cause de l’entier gouvernement
Mais Grevin qui l’affirme sait noyer le poisson
Lecteur assidu de Platon et d’Aristote
Il fait douter ses ouailles : Je n’en retire rien
Qu’un chaos plus souvent Nulle ferme assurance
de son propos ne se dégage, de son gentil tourment

Ô mélange du monde ô mondaine inconstance
Vivons donc constamment ma toute désirée !


Jacques Grevin (1528-1570)
Venus du Beauvaisis, il étudia dans l’Université de Paris.
Il joignit à la connaissance des Belles Lettres la science de la médecine.

LECTRICE MES SONNETS NE SONT QUE SIMPLE PROSE






Lectrice mes sonnets ne sont que simple prose
La prose d’un monde qui passe par des doigts
Qui tiennent le stylo qui ôte les soucis
Ou qui les accentue à pleines mains décloses

Lectrice mes sonnets ne sont que simple prose
Mes fleurs s’absentent de tout bouquet d’œillets
De lis de colchiques dans les prés et de roses
Mes fleurs de rhétoriques cueillies dans les sonnets
D’Orphée pour Eurydice de Pétrarque pour Laure
De Ronsard pour Cassandre Marot pour Marguerite

Pour toi Lectrice j’effeuille la marguerite
Je t’aime un peu pas du tout J’t’aime à la folie
Comme le feu qui en moi émeut mes esprits
Remâchant ces secrets qui nous métamorphosent

écrit en lisant sonnets de Jacques Grévin (1538-1570)

J’ÉCRIS AVEC LES MOTS AVEC L’ESPRIT DES MORTES



J’écris avec les mots avec l’esprit des mortes
J’écris sans religion prétendue réformée
J’écris de l’Univers de sa folle cohorte
Et j’écris sur la mer ces lignes déformées

J’écris comme jamais dans ma nuit familière
J’écris ce noir de jais ma pierre protectrice
J’écris sans le Soleil entré en sa tanière
J’écris comme un fada sur la barque d’Ulysse

J’écris oh hisse oh hisse agilement léger
J’écris sans le Nobel Alexis Saint Léger
J’écris ces vers trésor pour l’homme soulager

J’écris pour les ingrats qui ignorent mes écrits
J’écris sans les péchés des serfs de Jésus Christ
J’écrirai même mort après mon dernier cri

Ecrit en lisant quelques vers de La Christiade
d’Albert Babinot (1516-1569)