UNE DÉCENNIE SANS TOI

Ce soir il y aura dix ans que tu t’es éteinte 
Pour l’évoquer j’ai trouvé un image
à laquelle je n’avais pas encore songé
J’ai vu une actrice traverser un paysage irréel tenant une bougie
Elle fait des pieds et des mains
pour maintenir en vie la petite flamme
Jusqu’au moment où ce n'est plus qu'un point noir
L’actrice tombe alors à terre
Comme foudroyée 

              ***

Je t'ai raconté ce rêve où j'allais à mon enterrement, joyeux, puisqu'entouré d'ami.e.s. Et puis,tu le sais mieux que moi désormais,  à la fin quand la fête est finie, tout le monde se retire, reprend ses cliques et ses claques, retourne à ses pénates. Sauf toi, ma belle endormie.
-Tu es maintenant la seule à ne pouvoir nous suivre, te dit le dernier des fêtards.
Et pour moi, qui ne rêve plus, en relisant cette histoire, je me dis aujourd'hui qu'il se fait tard, il se fait tard.

Martigues 2 août 2014 et 25 mai 2024


https://www.editions-harmattan.fr/livre-poemes_a_ma_morte_jean_jacques_dorio-9782343129969-58621.html

DANS LA MÉMOIRE DE JOSIANE DORIO

C’est ainsi que je vais regrouper les textes et poèmes qui te sont consacrés, en dehors de mon livre hommage (sous forme abécédaire), publié sous le titre Poèmes à ma morte, aux éditions l’Harmattan. (2017)

Chaque poème était précédé d’une citation. Celle de Vladimir Jankélévitch, à la source du poème « Viatique », est une « majeure ».

Nous l’avons lue, avec grand soin, chaque fois que nous allions à Paris, passant devant l’immeuble du Quai aux Fleurs, où le philosophe, si attachant, vécut :

Celui (Celle) qui a été ne peut plus désormais ne pas avoir été : désormais, ce fait mystérieux et profondément obscur d’avoir été est son viatique pour l’éternité.

LETTRES ORNÉES DE QUATRE BRINS DE LILAS

 
Lettres brèves
Sous forme de souvenirs  
Ornés de quatre brins de lilas
 
Lettre à l’enfant
Qui disputait trois grains de riz
Aux vautours des ordures
Sur les hauteurs et puanteurs
de Caracas
 
Lettre à l’ivrogne
Qui titubait sur la place Mouffetard
Dans le reflux post-soixante-huitard
La bouche pleine de poèmes
Sans lecteurs et sans but
 
Lettre à l’actrice
Que j’accompagnais à la guitare
Chantant sur scène
Les intermèdes que j’avais mis en musique
de Grand peur et misère du III° Reich
 
La dernière missive
Est pour les inconnu.e.s
Qui perpétuent le monologue pluriel :
nous sommes entretissés…