UN NOUVEAU POÈME

J’hésite au seuil de ce nouveau poème

J’essaie les voix d’un chant fragile

Des images des paroles plus ou moins pures

J’écris je lâche les chevaux de la littérature

Ou symboliquement l’âne de la psychanalyse

Je noue le verbe d’un moi multiple

Avec le monde qui me tracasse

et à la limite me déchire

Mais il faut tenir il ne s’agit pas

De se défaire entre les lignes

De gâcher le travail du poème

Qui maintenant s’est écrit peu ou prou

Illusion créatrice ou commencement

qui n’en finit pas de nous étonner

LA FERVEUR SUBVERSIVE DU CHANT

LA FERVEUR SUBVERSIVE DU CHANT


« Malgré la fiction de la page blanche
Nous écrivons toujours sur de l’écrit »
Michel de Certeau



Pas de trône
- ce pose-cul des chieurs d’antan –
Pas de chaises à porteur
- pour les prélats les soldats
et le roi des cons –

Mais la chaise de Vincent
Et la fleur inverse
Du troubadour Raimbaut


Pas de bois mort
dont on fait les croix
et les cercueils
Et pas de lettres mortes
dont on fait les bibles
et les abolis bibelots


Mais la sève des ronciers
Le bleu des chardons
Et le rire non-rire

De Buster Keaton

Pas de chant sacré
Sans la clef donnée
À qui veut bien chercher
à la saisir
Pour en jouer et déjouer
le trobar clus des Troubadours
D’hier et de maintenant


Maintenant la ferveur subversive du chant


Poème écrit sur une page de « Le rire du sacré »
Jean-Claude Marol (1999)

LE CHANT DES MOTS

Des oiseaux migrateurs que mon chant désorientent
Et des poissons dorés roulés dans du papier
Le journal d’aujourd’hui sur Dupond Moretti
L’écriture miracle ôtant le poids au ciel
Tous les échos dans la fumée de la Pythie
Et de Sibylle prophétesses des tempêtes
Quand les mots de l'amour et de la mort
Sonnent conjointement à nos oreilles

Martigues 30 novembre 2023

CEUX QUI S’ENFERMENT DANS LE LANGAGE CESSENT DE VOIR Quand le langage divise, il reste toujours de l’indivis. Quand le langage distingue, il reste toujours de l’indistinct.  Le Sage préserve en lui la part de l’indivis, de l’indistinct, tandis que les hommes du commun s’enferment dans leurs démarcations et se prévalent chacun de sa vue particulière. C’est pourquoi je dis : ceux qui s’enferment dans le langage cessent de voir.  selon Tchouang Tseu traduit  par Jean-François Billeter

Un rouge de valeur plus dense sans écho
Un sang plus étendu au flanc de la colline
Des oiseaux migrateurs sans orientation
Et tous ces hommes morts sans rime ni raison
Tant de cœurs desséchés
sans plomb
Comme des feuilles

Pierre Reverdy Le chant des morts

QUENALDIENNES

QUENALDIENNES

Petite Cosmogonie Portative
Premier chant

les italiques de Queneau sont

Je rassemble des mots venus du bon Queneau
Bon et aussi méchant quand sa plume dictait
Cul de sèche momie La terre conchiant
L’espèce hyménoderme de quelque pute à Scion
Bon et aussi pervers en ses vers polymorphes
S’apprêtant à forer l’ovule arithnoïde
Jetant ses termes exacts sur des ovaires vagues
Je recopie ici des vers modifiés
De sa petite cosmogonie portative

Conjugaison

Je bourgeonne je soupire je halète je ahane je boutonne je pleurniche je grommelle je drageonne je boursouffle je suppure je purule

Substantifs

Bourgeonnements soupirs halètements ahans boutonnements pleurnicheries grommellements drageonnements boursouflures suppurations purulassions 

JE SUIS CE CHANT CETTE ROMANCE D’UN 19 JANVIER 2023

ET JE CHANTAIS CETTE ROMANCE CE 19 JANVIER 2023 un Je qui joue à cache-cache dans mon écriture Jeu que ma main fait démarrer en faisant se mouvoir ce stylo lettre à lettre Je suis cet Autre assurément Je suis la voix étrange des romances sans paroles Je suis celui qui ne se satisfait pas de la déploration élégiaque de tout un pan (panpanpanpan) de la poésie française Je suis l’oreille de Marguerite chantée dans son palais par Pierre de Ronsard Je suis le mendiant près des cafés princiers à qui on jette une pièce de bœuf Je suis le marcheur des forêts vertes guettant les rayons du soleil qui se brisent dans ses étangs Je suis la berceuse qui endort petit chat noir dans le lit où nous dormons pattes dans bras Je suis chansonnier au Lapin agile Je suis l’arlequine qui exaspère les charlatans crépusculaires Je suis le convive goûtant le méchoui d’un agneau élevé dans les Alpes de Haute Provence Je suis l’églantine mutine que les villageois appellent gratte-cul Je suis le penseur du libre essor d’Élévation comprenant le langage des fleurs et des choses muettes Je suis le cageot la bougie et la cagette Je suis le cœur mal le cœur à la lune Je suis le coffret de santal qui accompagne mes insomnies (Je ne dors pas quel est mon mal ?) Je suis les idylles découpées en des vers délicats où s’égarent nos pas Je suis mon petit Lou ma compagne des spectacles en plein air de la place Mirabeau où nous aimâmes tant les spectacles des nuits d’été (Le bal du théâtre du Campagnol fut notre préféré) Je suis un kaléidoscope que l’on secoue entre rires et sanglots : Guernica ou la Vénus d’Urbino ? Je suis la planète Vénus que les bergers confondaient avec leur étoile (celle-là même que j’ai vu s’éclairer hier soir après que le soleil ait plongé dans le golfe de Fos) Je suis ce Juste exécré par le poète adolescent d’une saison en enfer : « Ô Juste ! nous chierons dans ton ventre de grès » Je suis l’inquiet désir d’une princesse vouée aux joies et aux tourments d’une âme amie chérie de celui qui écrivit sa grande œuvre dix ans durant dans son lit Je suis le Temps qui me pousse m’invective et me pique de son aiguillon (comme si j’étais un bœuf à qui l’on met le joug pour aller au travail) Je suis cette romance de 2023 à la semblance du beau phénix Si elle meurt cette nuit le matin verra-t-il sa renaissance ?