AVANT LE DÉLUGE

 

Je tourne les pages d’avant le déluge.

Coup de dés, féeries, giboulées et cascades de phrases embarquées sur le bac traversant le Grand Rhône.

Nous nous aimions sur le pont et les tables de longévité, sur les scènes de Billie Holiday où les morts à la fin se relèvent.

Je tourne les pages des longues patiences, sur la mer des Martigues où de Staël pose ses petites barques pareilles à des cercueils.

Avant le déluge, l’arche de l’enfance de l’Art brûlant à petit feu, nos pâquerettes ornant toute l’année la pelouse des falaises de La Couronne aux Tamaris.

Et le cri des corbeaux en berne  sur la mer jaune des blés :

« Et savez-vous au juste ce qu’est la cruauté ? »*

* Antonin Artaud