En définitive à quoi écrire sert-il sinon à vivre ? Toutes les pénibles élucubrations sur « écrire et vivre » - écrire comme renoncement à la vie – sur « la chambre aux murs de liège » - avec attendrissement. « Il n’a pas vécu le pauvre » – ne sont que pitoyables défenses d’envieux, de toute façon sans importance. Mais ici, la chose est dite. Jacqueline Bisset J’écris pour lever des lièvres lever le pied lever au cœur les expressions J’écris dans la discrétion le silence et l’effacement J’écris dans l’exubérance la profusion et l’effervescence J’écris résistant au vertige de l’écriture mais non à sa folie passagère J’écris le passage en attaché en cursive J’écris en courant sur la page dans la rumeur des vagues J’écris dans le mutisme des nuits la lumière des poètes de l’exil J’écris en lisant flux et reflux qui soulèvent mes livres de sable et d’écume J’écris à califourchon à dada sur la bicyclette grammée garnie de grelot 1 J’écris comme un cochon un apache ou un apparatchik (au choix) J’écris en voyant de ma fenêtre une portion de méditerranée J’écris je n’oublie pas entre Charybde et Scylla cette intensité de l’instant où ça passe ou ça casse (dit trivialement) J’écris puis je laisse reposer dans des carnets signés de noms qui n’apparaissent sur aucune carte d’identité 1 George Grosz (1893-1959)