En définitive à quoi écrire sert-il sinon à vivre ? Toutes les pénibles élucubrations sur « écrire et vivre » - écrire comme renoncement à la vie – sur « la chambre aux murs de liège » - avec attendrissement. « Il n’a pas vécu le pauvre » – ne sont que pitoyables défenses d’envieux, de toute façon sans importance. Mais ici, la chose est dite. Jacqueline Bisset J’écris pour lever des lièvres lever le pied lever au cœur les expressions J’écris dans la discrétion le silence et l’effacement J’écris dans l’exubérance la profusion et l’effervescence J’écris résistant au vertige de l’écriture mais non à sa folie passagère J’écris le passage en attaché en cursive J’écris en courant sur la page dans la rumeur des vagues J’écris dans le mutisme des nuits la lumière des poètes de l’exil J’écris en lisant flux et reflux qui soulèvent mes livres de sable et d’écume J’écris à califourchon à dada sur la bicyclette grammée garnie de grelot 1 J’écris comme un cochon un apache ou un apparatchik (au choix) J’écris en voyant de ma fenêtre une portion de méditerranée J’écris je n’oublie pas entre Charybde et Scylla cette intensité de l’instant où ça passe ou ça casse (dit trivialement) J’écris puis je laisse reposer dans des carnets signés de noms qui n’apparaissent sur aucune carte d’identité 1 George Grosz (1893-1959)
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LA PAGE NE DOIT PAS ÊTRE DÉÇUE


LA PAGE NE DOIT PAS ÊTRE DÉÇUE DE TON PASSAGE ÉCLAIR La nuit dormait je la réveille D’un poème écrit il y a cinq ans Cinq ans : un lustre Non le luminaire suspendu au plafond (Tire lui la queue Il pondra des œufs) Mais la période de cinq ans Oubliée par la plupart des causeurs de langue française depuis belle lurette La nuit dormait je la remets Sans trop insister sur les rails D’un cahier d’écolier « Haute Ligne » Cette page attendait se croyant abandonnée J’espère qu’en la couvrant de mes signes Je ne l’ai pas déçue
DES ESSAIS
Des Essais
Montaigne en fit des tonnes
Je n’ai pas asteure
Ses livres sous les yeux
Mais je me souviens
De quelques passes mémorables
Il appelait ça peindre le passage
Celui du temps
dont il goûtait
chaque seconde
quand tout bien
se goupillait
Mais quand il avait le bourdon
Il le traversait
à sauts et à gambades
Cette nuit
Moi aussi
C’est la cloche des morts
Qui m’a réveillé
Alors je prose
Cheval blessé
Qui rue
Et trempe généreusement
les doigts dans l’encrier
Comme vous pouvez le constater
LE TEXTE VA
Désirable ou indésirable le texte va
La main l’agite dans tous les sens
Toutes les nuits cherchant l’ouverture
Comme l’acteur sur le plateau
Qui se confronte à Alceste ou Galilée.
Indésirable ou désirable le texte coule
Il passe il ne fait que passer
Dans l’encre et dans cette plume
Qui se perd dans sa page
Ou bien saisit l’occasion
d’une trouvaille inespérée.
Cette nuit c’est repos et répit
Les fantômes se lassent de tourmenter
la personne écrivant
qui ne revendique pas l’ « être »,
mais le passage,
d’un texte à l’autre,
ouvrant ainsi son singulier chemin.
24/01/2021
PASSAGE DES LIVRES
Les livres ne s’usent que si l’on s’en sert
Pour faire de beaux découpages
Pour ouvrir n’importe quelle page
et y chercher son horoscope perpétuel
Pour déchirer toutes les pages 68
Et en faire une belle flambée
Les livres sont des fleurs inverses
Que l’on mange à la lettre
Dans le Secret des Marges
Comme du bon pain blanc

81170 Cordes/Ciel
" Je peins principalement mes cogitations, sujet informe, qui ne peut tomber en production "ouvragère"; à toute peine le puis-je coucher en ce corps aéré de la voix..." Michel de Montaigne