ENTRE DEUX LIGNES

une voix entre deux lignes




Je fais le tour de mes pages d’écriture

                                                                  au ralenti

                                                                                          et en silence





Entre deux lignes plusieurs minutes

s’écoulent

Comme celles d’un procès

                       en procrastination





Et combien d’entre elles passent

          à la trappe !

Par exemple, curiosité de l’instant,

cette lune à la fenêtre,

dont je ne sais que faire

où la placer sur le papier





Entre deux lignes, c’est le cas de le dire,

Je n’ai aucune ligne préétablie

Aucune ligne à suivre





Mais quand soudain passent les Djinns

« Mur ville et port »

La page entre deux plages de petits sommes

est terminée…

Je m’endors






	

FABULETTES DEVANT LA MER FRISQUETTE

la douce mer était frisquette

La douce mer hier était frisquette

Sa plage de sable balayée par Saint Mistral

Je lui ai fait quelques dessins à la hâte

Puis avant que la vague ne me les mange

Je les ai photographiés

Je vous les laisse regarder

l’enfant au bois flotté

La douce mer hier par bravade

A apporté ses bois flottés

-Ils viennent d’Afrique et d’Asie

ai-je dit à mon petit fils

Il n’a pas semblé convaincu





On a marché sur les rochers

Les roches blanches protégeant le port des voiliers

Qui imitaient les cris des mouettes

Au large pétrolier gaziers chimiquiers

Attendaient leur tour pour être délestés

Arrimés sur un quai de Lavéra

Ils viennent d’Afrique et d’Asie

Cette fois Mathis a dit oui

Puis avant de partir on a chanté

Les p’tits bateaux qui vont sur l’iau

Ont-ils des jambes

Et dans l’auto bien au chaud

On s’est écouté Flocon papillon

Chanté par notre amie Anne

Qui vient de nous quitter

Mais non ses fabulettes

Que les enfants de mon petit enfant

Écouteront avec amour et reconnaissance

ad aeternam

un chat est venu nous visiter

SALE TEMPS POUR LES GRENADIERS





Sale temps pour grenadiers et voltigeurs de vers

Grenadiers ?

Ceux et celles qui dégoupillèrent la parole

sur les murs de Mai 68 :

Je suis un minoritaire né. Les plus forts, je suis contre.





Voltigeurs ?

De nos affects et de nos émotions, mises en mots,

mis en maux, avec tous les charmes voués à la forme.





Du vers ?

Toujours en mouvement,

si l’on ne veut pas qu’il nous étouffe,

mais jamais ignorant nos phares dans la nuit,

de Marot à Hugo, de Verlaine à Valéry.





Ainsi du sale temps je n’en ai cure

Et du vers je parcours son champ illimité.

(Oublions ces deux vers empreints de gravité)





Sous les pavés ma plage, de sable et de graviers,

Il n’y a pas d’avant-garde, il n’y a que des gens en retard.





italiques Jacques Réda, Romain Gary, anonyme Mai 68.