Je ne me suis jamais dit poète mais j’ai gardé l’instinct de poésie en consacrant au moins un instant quotidien à l’écriture d’un poème
Je suis chaque fois, comme à présent, au pied du mur, au bord du vide, cherchant voie et voix, rimes et rythme, me remémorant certains vers appris par cœur depuis l’école communale
Attendant, hésitant, puis lâchant les chiens sur les traces d’une ballade, d’un sonnet ou d’une forme indéterminée que j’abandonne à la fin sur le papier, puis sur le blog, de guerre lasse…
Boire seul sous la lune, écrit Li Bo, qui la prend pour amie et avec l’ombre qu’elle lui procure, voilà qu’ils sont trois. Que n’inventons-nous pas pour peupler notre solitude ? Assurément cette main qui court le papier, maniant le pinceau du poète-calligraphe, ou bien l’ancienne plume et son encrier, avant le stylo pointe fine. Écrire seul en silence, calé sur son oreiller, la lune à la fenêtre, les volets grands ouverts. Suggérer les activités joyeuses de jadis : la toupie sur les carreaux de la cuisine, le jeu de barres dans la cour de l’école et la construction d’une cabane. Li Bo réapparaît, nuit de lune sur le fleuve, il vacille en buvant une nouvelle coupe de vin de Sin-fong. Un dernier coup de rame, ma barque de papier ne sert plus que de marque-page, les images des rêves, comment les épuiser ? Li Bo (Li Po, Li Bai) 701-762
le caractère chinois shou longévité encadré par mes hypnographies : signes imaginaires faits comme en état d’hypnose
Ajout
Cette nuit je lis les vers tirés de derrière les fagots d’un poète chinois ivre
À vrai dire je n’y comprends rien leurs caractères calligraphiques ayant disparu de notre abécédaire
Mais je m’accroche aux branches
Au-delà des mots écrits Je cherche la parole de celui qui dans son ivresse les prononça
Alors un instant vient où la lune d’hiver glisse sur les livres de ma bibliothèque
Au point de les transformer en Acherontia atropos
(Sphynx tête de mort)
J’imagine qu’ils vont aller rejoindre les rêves de ce calligraphe inconnu qui me ressemble comme deux gouttes d’encre plus noires que la nuit