POURQUOI J’ÉCRIS DES POÈMES
Je ne me suis jamais posé la question.
Oui, mais voilà, c’est venu sous la plume.
Aussi, face à ce qui se dérobe,*
Je vais tâcher, poussant le paradoxe,
De ne pas (me) dérober.
J’écris des poèmes parce que
Ça m’amuse
Bien que le jeu me prenne tout entier
Et sérieusement
Durant son exécution
J’écris des poèmes parce que
C’est – ne riez pas – une vocation.
À mesure que la poésie disparaît de nos sociétés,
C’est, à rebours, porter haut son jeu incantatoire
Et son univers quotidien
Fragile et capricieux,
Qui importe.
J’écris des poèmes parce que
C’est toujours une promesse de découvrir
Une part cachée de soi
Qui sort d’une formule inattendue,
D'une étincelle qui couvait
Sous la cendre,
Le livre de sable**
D'un dictionnaire infini.
J’écris des poèmes parce que
Je m’abreuve et m’enivre
Des milliers de poèmes
Brinquebalant dans le grand véhicule
Où s’accouplent ballades et chansons au ton bref
J’écris des poèmes parce que
Je ne veux pas mourir***
Je souffle et souffre
La mort la vie
L’envers l’endroit
Qui se concilient ou se déchirent
En silence
J’écris des poèmes parce que
J’aime enjamber l’aurore
Après une nuit consacrée à l’invisible
Confondant le commencement et la fin
D’une voix qui se décline sans personne****
Et avec chacun
*Henri Michaux ** Borges ***
Anne Sylvestre : chanson : Écrire pour ne pas mourir
**** Jean Tardieu
nb : pour les enfants et pour les raffinés
ce poème dans cette version non définitive
a été écrit à la main sans ratures
commencé dans la nuit du 12 septembre
(au lit)
continué l'après-midi assis sur le mur grec de Saint Blaise
(commune de Saint Mitre les Remparts)
parachevé ( après de longues hésitations
marquées par des ajouts et suppressions )
sur le clavier de l'ordinateur
ce vendredi 13 septembre
à cinq heures du matin