ENFIN SEUL

Sur un petit bout de page

À une heure du matin

Enfin seul ! écrivait Baudelaire

Enfin sans les tyrans et les mégères de l’Assemblée qui ont couvert de crachats verbaux durant une heure et demi le premier ministre homme de bonne volonté durant sa déclaration de politique générale

Enfin je vais chercher à produire quelques beaux vers qui me prouvent que je ne suis pas inférieur à ceux et celles que je méprise

Trois heures du matin j’ai relu Les fleurs du mal

Et si j’avais un vers unique à donner

Ce serait :

La musique souvent me prend comme une mer !

L’ENTRÉE À RAFAH

On écrit bien que seul. Sans personne alentour. Sans personne à qui parler. Forcément.

On écrit mal aussi. Mille choses nous assaillent. On ne sait par où commencer. Penché sur le jardin d’herbes folles, le journal de papier que l’on vient de sortir de la boîte à lettres, ainsi que deux livres. Un troisième à moitié lu, emprunté à midi à une amie. Et pour compléter ce tableau, de la musique tournant dans ses oreilles appareillées.

Oublions. Arrêtons. Avant de vraiment commencer.

Le nouveau c’est en même temps l’ancien : dans le nouveau lancien se reconnaît et devient facilement intelligible. Théodore Adorno

Le nouveau c’est : L’entrée d’Israel à Rafah fragilise lespoir de trêve.  Le Monde mercredi 8 jeudi 9 mai 2024

COMMENT VIVRE SEUL

COMMENT VIVRE SEUL ? Comment organiser sa vie à son propre rythme ? C’est-à-dire souffle, respiration au sens de « laisse-moi respirer s’il te plaît ». Seul pour ce qui est du fond (et du tréfonds), foncièrement seul. Ainsi puis-je passer des journées entières, si je le désire, à ne voir personne, dans une grande maison à l’écart, dotée de son petit jardin d’éden, avec vue là-bas à 500 mètres à vol de mouette, sur la mer grise (ce matin), bleue, dorée, noyée plus rarement par la brume… Une maison où nous rêvions de finir ensemble nos beaux jours libérés des contraintes (et joies) du métier de pédagogue Le cancer que nul ne sait guérir en a décidé autrement Comment vivre seul ? À bonne distance, communications choisies, conflits écartés. Contacts quotidiens grâce à la magie de l’informatique avec mes deux filles, qui ont prolongé la tribu par un enfant, trois infantes Vivre seul dans le temps long qui peut paraître interminable pour les non-pratiquants de l’art de dire et de faire des lectures doublées d’écritures Ainsi ce petit texte est né vers les 7 heures du matin, encore au lit, jugeant inutile de me lever si tôt et reprenant un de mes livres de chevet Un passage de Roland Barthes, précisément, qui au début de la guerre de 40, vit au sanatorium dans une petite société « d’égaux » Seul et entouré de compagnons et compagnes des mauvais jours 35 ans après, on lui offre la possibilité de donner des leçons au Collège de France La première, je vous la donne en mille, a pour titre : COMMENT VIVRE ENSEMBLE ?

SEUL DANS LA NUIT

Comme un art poétique une fantaisie

Seul dans la nuit je suis perdu
Mais si je l’écris ça va mieux
C’est un moyen frappé d’instinct
De convoquer nos petits dieux
Sans en faire tout un tintouin
Temps retrouvé ou Temps perdu

Seul dans la nuit j’écris sans art
Je laisse aller selon la plume
Sans ornements sans métaphores
Je prends des mots je les allume
À la chandel de Bachelard
Ou bien j’amorce l’anaphore

Seul dans la nuit j’ai ébauché
Pour l’étranger qui veille en moi
Pour Poésie mode d’emploi 1
Ces quelques lignes maladroites
Enfant qui agite son hochet
Puis qui se rendort sous sa coite

1 Blog de JJ Dorio un poème par jour depuis le 8/01/2006

https://wordpress.com/home/poesiemodedemploi.blog

CONVERSATIONS

Au plus on accepte, après une vie en couple et en famille riche au possible, de vivre, par nécessité seul.e, au plus on a besoin de conversations. Je ne parle pas du bavardage que permettent désormais les objets connectés, sur la plage de Fos sur Mer, au supermarché des Mousquetaires (au couvent de la consommation), depuis une tour de Manhattan ou du Marché de la Poésie place Saint Sulpice à Paris. Non, c’est de la conversation avec nos livres, qu’il s’agit.

Ceux que l’on a déjà lu, il y a belle lurette, et que l’on relit nouvellement et les petits nouveaux qui « viennent de paraître. »

Conversations : « authentique plaisir gratuit », attention au discours des autres (sur eux-mêmes en particulier), manières de prendre la bonne distance pour se moquer de soi, le libertinage (au sens de causer librement de tout et de son contraire), voix des femmes bridée, brisée jusqu’à Madame de Staël, (disons), qui se mettant à écrire, sans complexe d’infériorité, nous éblouissent.

On glisse, peu à peu, dans la peau de notre correspondant, notre interlocutrice privilégiée :

-Alors tu vas encore faire ça ?

-Oui, bien sûr, et de long en large.

-Et comment tu vas passer de tes lectures universelles à ton écriture singulière ?

-Eh bien, euh, comme ça, à tâtons, par ricochets et sans trop y penser.

25/09/2020