CONVERSATIONS

Au plus on accepte, après une vie en couple et en famille riche au possible, de vivre, par nécessité seul.e, au plus on a besoin de conversations. Je ne parle pas du bavardage que permettent désormais les objets connectés, sur la plage de Fos sur Mer, au supermarché des Mousquetaires (au couvent de la consommation), depuis une tour de Manhattan ou du Marché de la Poésie place Saint Sulpice à Paris. Non, c’est de la conversation avec nos livres, qu’il s’agit.

Ceux que l’on a déjà lu, il y a belle lurette, et que l’on relit nouvellement et les petits nouveaux qui « viennent de paraître. »

Conversations : « authentique plaisir gratuit », attention au discours des autres (sur eux-mêmes en particulier), manières de prendre la bonne distance pour se moquer de soi, le libertinage (au sens de causer librement de tout et de son contraire), voix des femmes bridée, brisée jusqu’à Madame de Staël, (disons), qui se mettant à écrire, sans complexe d’infériorité, nous éblouissent.

On glisse, peu à peu, dans la peau de notre correspondant, notre interlocutrice privilégiée :

-Alors tu vas encore faire ça ?

-Oui, bien sûr, et de long en large.

-Et comment tu vas passer de tes lectures universelles à ton écriture singulière ?

-Eh bien, euh, comme ça, à tâtons, par ricochets et sans trop y penser.

25/09/2020

SEUL.E.S INCLUSIVEMENT





Le plus court chemin de soi à soi passe par autrui

Paul Ricœur




Seul.e.s assurément

donnant le change

par cette danse tremblée

des lettres sur nos pages





Seul.e.s naturellement

dans cette attention flottante

réservée aux praticiens de l’hypnose

et aux pupilles de la nation des poètes

mort.e.s au front des métaphores vives





Seul.e.s dans les champs de tournesol

nos amours jaunes

et les matières immatérielles

que voient les aveugles

dans les musées





Seul.e.s et dialoguant

avec les portes les fenêtres

les graffiti de charbon

sur les murs des églises romanes





Seul.e.s dilaté.e.s

arpentant les mille et un livres

de notre bibliothèque unique

léguée aux dieux de la dispersion





                                                                                    Seul.e.s à la proue             

mon beau navire

ô ma mémoire*

naviguant divaguant

au cœur des poèmes

sans testaments





*Apollinaire





Seul.e.s terriblement

de ce qui en nous

est dur compassé et frigide*





*Odile Caradec





Seul.e.s vaillamment

Gall amant de la reine*

« el viento galán de torres

la prende por la cintura »**





*Marc Monnier ** Federico García Lorca





Seul.e.s obscurément 

à la lueur d’une chandelle

à la santé des serpes et des serpents





                                                                             Seul.e.s vocabulairement          

écriture inclusive dans la voix des passant.e.s

de nos instants secrets