JE LIS JE LISAIS JE NE LIS PLUS
Les vrais paradis qui existent sont ceux que l’on a perdus
Marcel Proust
Je lis des livres en entier, des sagas, des sagaies plantées dans les faux souvenirs d’un danseur balinais, d’un chasseur de baleines à qui il manque un pied Je lis les livres d’hommes remarquables terrassés par l’ennui de se répéter Je lis des femmes qui de leur vie vivante furent d’illustres inconnues dans l’ombre de leur mari et que la postérité encense Je lis des livres en miroir pour tenter de voir ce qu’il y a sous leurs mots Je lis des livres de Zygomars qui gloussent et pouffent vouant un culte à leur zygomatiques Je lis des livres de boniments blablas baratins verbiages absent on ne sait pourquoi de tous les dictionnaires de citations (sauf le mien tenu secret dans un application de mon ordinateur) Je lis des livres sur le café dont celui du professeur Dac qui démontre bol à l’appui que si on en donnait à boire aux vaches « on trairait du café au lait »
Je lisais des livres au café mais c’était avant la pandémie Je lus aussi au cinéma une unique fois pendant la projection de La chinoise prélude à Mai 68 côté Mao Je lisais nolens volens des livres de poésie mais depuis qu’ils ont disparu du « Monde des Livres » j’ai jugé bon de m’en délivrer Je lisais aussi en public en sortant d’une librairie à la plage sur un banc public (banc public) dans le métro (boulot dodo) au bar du PMU (en attendant la course du tiercé changée en quinté +) à l’école des écoliers puis de ceux qui en rendant leur tablier gris revêtent leur tenue professorale Et enfin je lisais déjà bébé sur les lèvres de ma mère l’Oye et les volutes de fumée de mon papa Pipu
Mais c’est fini depuis que je fais partie de la liste des disparus je n’ai plus accès au paradis de ma bibliothèque je ne lis plus
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