Le premier mot que je lis cette nuit est « passé ».
Il passe sur les ailes des moulins du Quichotte. Il retrace le parcours de la ciguë, des pieds de glace jusqu’au cœur, dans le corps de Socrate condamné pour avoir corrompu la jeunesse athénienne. Il excelle dans la liste des épées qui peuplent les romances médiévales : Gram, Durandal, Joyeuse ou Excalibur, si j’en crois un ferrailleur de textes provoquant maintes estocades.
Passé simple, passé composé, passé antérieur.
Nous passâmes une nuit près du Cap de Bonne Espérance.
Nous avons passé un temps fou à réécrire les Mille et une nuits, pour notre Bien Aimée, luttant en vain contre Méchant Cancer.
Et quand nous eûmes passé le temps d’une vie à tourner et retourner notre Livre de Sable, à alimenter en eau des Gaves la Clepsydre de notre Jardin Imparfait, nous décidâmes une nuit de septembre d’envoyer un courrier à l’Hydre Univers, pour lui dire que notre temps était venu de « tordre » à notre tour, notre corps « écaillé d’astres ». 1
Ainsi Passé qui fut, sera l’illusoire Présent que traça cette plume, perdue dans les miroirs et les mirages d’un Temps immémorial.
1 L’hydre univers tordant son corps écaillé d’astres. Victor Hugo
Plume
pendant que les gens dorment, ou essaient de dormir, je remue ma plume en tous sens. C’est comme une longue maladie après laquelle on trépasse. Mais on ne dit plus ainsi, le verbe « trépasser » semble désormais faire peur à ces mortels que l’on qualifiait au temps des dieux d' »heureux ».
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