LA COLOMBE POIGNARDÉE De l’arche, on s’en souvient, le quarantième jour sortit la colombe pour s’enquérir de l’état du monde. De Proust, dont on fête, aujourd’hui 18 novembre 2022, le centième anniversaire de sa disparition, faillit sortir La colombe poignardée, un titre qu’il avait imaginé, un jour qu’il faisait une promenade en barque dans un paysage à la Monnet, dont il chérissait les nymphéas qu’il assimilait aux nénufars des Enfers de La Divine Comédie : Tel était ce nénufar, pareil à quelqu’un de ces malheureux dont le tourment singulier, qui se répète indéfiniment durant l’éternité, excitait la curiosité de Dante, et dont il se serait fait raconter plus longuement les particularités et la cause par le supplicié lui-même, si Virgile, s’éloignant à grands pas, ne l’avait forcé à le rattraper au plus vite, comme moi mes parents. Marcel Proust

COMPOSITION en l’honneur du centenaire de la disparition de Mr Proust
À MES MOMENTS PERDUS je lis et relis À la recherche du temps perdu « Un titre élégant et frivole » derrière lequel, nous dit un de ses lecteurs, se cache « la mauvaise conscience d’un oisif » À mes moments perdus je me pose sur les branches de l’arbre de Mr Proust, passablement effeuillé par les universitaires snobs qui citent à tout propos « La Recherche » Quand pour ma part, lisant et relisant Un amour de Swann, j’oublie À l’ombre des jeunes filles en fleurs, la mauvaise conscience des oisifs et des lecteurs snobs, et me plonge, avec toujours plus de plaisir, et sans souci de donner un nom à ce qui se passe en moi, dans les phrases harmonieuses et déraisonnables qui faisant fonction de « verres grossissants » ouvrent ce « livre intérieur » sans lequel il n’est point de lecteur qui devenant « le lecteur de soi-même », prenne à son tour la plume tâchant d’exprimer (ses) impressions profondes et authentiques en respectant, hors de tout style surfait, la marche naturelle de (sa) pensée.