C’ÉTAIT QUOI TON RÊVE ?

-C’était quoi ton rêve ?

-Je te l’ai dit mille fois c’était mon rêve récurrent Mes pages disparaissaient une à une au fur et à mesure de leur lecture.

-Et le tien ?

-J’entendais le sifflet d’un  train parti de la gare centrale de New York en direction de Montréal.

Et ensuite à quoi as-tu rêvé ?

-J’ai vu l’alambic qui venait près de la rivière faire couler la blanche eau-de-vie

-Ah oui à la même époque on entendait le crieur du village annoncer dans un roulement de tambour la venue du cirque Besson… Qu’on se le dise !

-Des rêves par conséquent mêlés aux souvenirs. J’ai aussi revu cet épisode unique où au cours d’une crue un bœuf était emporté luttant pour retrouver la rive.

-Moi j’ai revu du haut d’une plateforme de camion un tatou qui courait dans le grand llano  du Venezuela.

-Un tatou têtu selon un poème imitant les Chantefables de Robert Desnos.

-Un passage obligé pour une ou plusieurs récitations apprises par cœur à l’école primaire :

La fourmi de dix-huit mètres Le tamanoir Le pélican de Jonathan

La lune, nid des vers luisants

Dans le ciel continue sa route

Elle sème sur les enfants

Sur tous les beaux enfants dormant

Rêve sur rêve goutte à goutte.

-Heureux temps hors du Temps !

MA BOHÈME

comme une vieille chanson du jeune temps

.

C’était dans mes poches crevées

Les amours splendides

Que j’avais rêvées

C’était ma culotte

De petit Poucet rêveur

Et son large trou

Les étoiles au ciel

Avec leur doux froufrou

C’était ma bohème

Revisitée maintenant

que je suis vieux

les yeux fermés

Mais je n’oublie pas

Ce parcours idéal

Dont je fus le féal

C’était tout un poème

De rosée à mon front

Comme un vin de vigueur

Et les élastiques de mes souliers

Que je tirais comme une lyre

Un pied près de mon cœur

voix de mademoiselle Lia

PASSAGE D’UN RÊVE

Le rêve de passage
S’est posé sur mon oreiller


C’était un lièvre roux
Qui fuyait sur une route des Pyrénées


C’était un cheval sans ses rênes
Dans une ville d’Italie


C’était un oiseau de passe blanc
Dont j’admirais le vol hautain hésitant
Mais qui soudain fondait sur moi
S’agrippant à mes cheveux en nage
Sur l’oreiller des Songes


Bêtes et lieux reparus
Dans la contrée étrange
Où volette Phénix

lièvre d’Ancizan Hautes-Pyrénées
cheval de Turin
oiseau de La Bastide de Besplas Ariège

poème mis en ligne le 07 mars 2006

DES RÊVES

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« Le rêve est une seconde vie. Je n’ai pu percer sans frémir les portes d’ivoire ou de corne qui nous séparent du monde invisible ». C’est la profession de foi de Gérard de Nerval  qui introduit ainsi sa dernière œuvre écrite, Aurélia, commencée à la clinique du docteur Blanche (fin 1853), terminée en Allemagne au printemps 1854. « Je vais chez Rêve chercher la petite âme… », proclame le chaman Setuuma Püshaina, du clan du pécari, confiant ses manières d’opérer, à l’ethnologue Michel Perrin : « Aux chamans et chamanes les rêves disent tout ! » Retour à Gérard, qui livré à sa seconde vie « a l’impression de tout comprendre », éprouve une force et une activité doublées, une imagination lui apportant « des délices infinies ». Il ne savait pas que mettant la main à son œuvre ultime, il allait ridiculement « se pendre au réverbère. »

Rien n’était écrit travail en cours