POÈTE & GÉOMÈTRE À LA PROUE





Mais ce violet qui s’avance
au cœur du carré magique
fait bouger le paysage
où tombe une pierre noire

« Les mots d’Alice »
Jacqueline Saint-Jean


Poète et géomètre à la proue
En avançant en inventant
au fur et à démesure
la fabula impromptue
ininterrompue.

Et sans te retourner !

- Mais qui a-t-il
dans cette barque ?

- Monsieur Personne-de-l’Odyssée
Déguisé en Alice.
Et ma pauvre morte
Qui chante à tue-tête
Tititi titi tireli !

Autrement dit

Poète et géomètre à la proue le révérend Dodgson
invente pour les trois demoiselles du docteur Liddell
une fable impromptue
au fur et à démesure.

Charles Lutwidge Dodgson  alias Lewis Carroll
Raconte son abracadabrantesque histoire
Par-dessus son épaule.
Alice Liddell faisant office de barreuse et d’Égérie.

La suite à la prochaine fois
Dit le révérend exténué
Dans la fournaise de ce 4 juillet 1862
Ah ! Mais on est la prochaine fois !
Crient les chipies

Il faut continuer
Il faut imaginer Lewis
Comme Ulysse l’Inventif

Jusqu’à ce que les rêves de l’Enfance
Reposent, lorsqu’ils ont pris fin
Comme des guirlandes fanées.















géomètre et poète à la proue

ALICE HORS DU TEMPS TRAVERSE LE NON-SENS

– Faut être louf pour lire Alice à cent sept ans

dit Père Noël à Mère l’Oie en sortant de la mare;

ils boivent les paroles traduites de l’anglich

et trinquent à Confusion dans un fracas de verre.

Grandir rapetisser c’est ce qui arrive aux v/d/ieux,

en suçant des gâteaux trempés dans l’eau de vie.

Ils lisent le passage où Chenille bleue suçant le narguilé

questionne notre héroïne : Mais toi qui tu es ?

– Je je ne sais plus très bien dit Alice.

Jé J’étais une petite fille quand je me suis levé ce matin

Mais Mai Paris Mai depuis j’ai subi tant de transfoformations

Que je je m’y perds. – Voyons, dit Chenille bleue, pour rassembler

tes Esprits, récite-moi « Vous êtes vieux Père William »

Alice soudain inspirée anticipe une chanson française

des années Caussimon-Ferré : « Monsieur William

vous manquez de tenue Qu’alliez-vous faire dans la V° av’nue ? »

Cette histoire continue à n’avoir ni queue ni tête

disent les vieux loufs, et leur sourire reste en suspens

un bout de temps entre deux pages de papier thé.

-Voilà ce qui se passe

Quand on s’nourrit de mélasse

dit la belle Métisse à Alice.

Père Noël et Mère l’Oie tirent leur dernier trait.

Ils sont assis en haut du pré

où tintent les clochettes des enfants buissonniers.

On entend une voix qui court comme le furet et chante

Ô mio tesoro  il est tard beaucoup trop tard

Il fallait s’arrêter à sept ans de te raconter des histoires

-Pas du tout d’accord dit Alice qui pioche un valet de cœur

avant de se glisser toute nue dans le lit de la Reine.

-Et maintenant parlez-moi du Danemark dit-elle.

Mais ceci est une autre paire de manches

Le spectre de Lewis refuse cette version

To be or not to be ce n’est pas la question.

Alice hors du temps traverse le non-sens

Des énigmes sans réponses : Je ne crois pas

que les histoires soient jamais achevées.