Il pleut tout à petit patapon PROUST Il pleut c’est pas la faute à moi BREL Il pleut Il pleut Il pleut Il pleut Il pleut Il pleut C’est le clinamen de Queneau Que d’eau ! Il a plu toute la journée « sans discontinuer » m’a téléphoné ma petite mère Il pleut ces lignes sur mon papier Il pleut sur Nantes BARBARA La pluie fait des claquettes NOUGARO Il pleut à verse rue de la Bergeronnette Sur mon piano mouillé Je chante à tue-tête Il pleut il pleut bergère
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BERGERONNETTES ET BOUSTROPHÉDONS
La poésie n’est pas la vérité : elle est résurrection des présences, histoire transfigurée en vérité du temps sans date. Yvon Belaval (1908-1988) Dans ma rue entre le sept et le onze une bergeronnette fait interminablement son numéro Elle suit la charrue de mon père qui tranche la terre de Boulbène comme du bon pain Elle est jaune mon amour et tu le sais il n’y a que moi qui voit la petite fée suivre le sillon et se retourner Exactement Comme ces vers Que l’on appelle Boustrophédons Exactement Comme ce chant perdu Du bouvier Qui plante dans mon cœur Son aiguillon nb Roland Barthes m’autorise à appeler les éléments rapportés dans ce ce poème des "biographèmes »
L’ART DU BOUSTROPHÉDON rue de la bergeronnette
Agenda 26 avril au 2 mai 2021

Lundi 26/04/2021
À rebours chaque nuit mes vers boustrophédonnent Mon stylo va et vient ouvrant ces lignes nouvelles D’où sortent les mots verts du vocabulaire Les oiseaux hoche-queues les picorent Ils ont le nom de ma voie : rue de la Bergeronnette.
Mardi 27/04/2021
Un détour, et un recours, cette nuit par Exercices spirituels et philosophie antique de Pierre Hadot. En particulier cette pensée déployée de manière ternaire :
1 Accueille avec joie ce qui est extérieur à toi : le Cosmos (« ordre et beauté »), la matière de l’Univers ;
2 En ce qui concerne la communauté humaine que tu côtoies, agis avec le plus de justice et de justesse possible.
3 Ce qui dépend vraiment de toi, ce sont tes pensées, les représentations (en construction) que tu te fais, auxquelles après examen (qui devrait durer dans l’idéal jusqu’à la fin de ta vie), tu « consens », et qui vont (pensées et représentations en mouvement), déterminer ta conduite.
Mercredi 28/04/2021
Contrairement au journal intime, (le moi-je en ses petites histoires), j’essaie simplement ici de laisser traces d’un jour particulier. La plume me dicte ses fantaisies glanées aux Puces, à la foire à la ferraille, au plaisir d’entretenir et de renouveler si possible, son vocabulaire. Etc.
Jeudi 29/04/2021
Avant d’ouvrir les volets donnant sur mon jardin, les maisons voisines, la mer, j’entends la pluie. J’ouvre l’écran du smartphone qui me montre, en effet, un petit nuage avec 5 barres obliques au-dessous : Pluie 14°…prévue toute la journée. La bonne petite pluie, écrivait Alain, optimiste incurable.
Vendredi 30/04/2021
Tendon de l’épaule gauche rompue, mais pas de bénéfice d’une intervention chirurgicale où l’on essaie tant bien que mal de recoller l’élastique, m’explique le spécialiste de la chose. Faut faire avec.
Samedi 01/05/2021
Premier mai, non « la fête du travail » comme je le vois écrit sur l’agenda, mais celles des « travailleurs », qui arrêtaient ce jour-là de trimer alors que leur droit de grève n’était pas reconnu. Stop, ça suffit de remplir la panse de nos « bons maîtres » comme chante Brel dans Pourquoi ont-ils tué Jaurès ? Et puis un à un les droits ont été conquis, ces travailleurs-là ont disparu, du moins dans nos démocraties. Et, comble d’inversion des valeurs le blanc muguet a remplacé la rouge aubépine encore nommée gratte-cul.
Dimanche 02/05/2021
Il a plu toute la sainte journée des travailleurs (hier). J’ai pu à loisir et avec un brin d’añoranza (nostalgie) réécouter en boucle cette chanson poignante de Susana Baca, chanteuse noire péruvienne, que nous avions vu et admiré avec Jo, en Arles. C’est un poème de Cesar Vallejo, qu’il a écrit à Lima :
Esta tarde llueve, como nunca, Y no tengo ganas de vivir corazón.
Il pleut ce soir, comme jamais Et je n’ai pas le goût de vivre, mon cœur.
PIES MÉSANGES BERGERONNETTES
Ces vers construits à la diable
Ne seront jamais déclamés
Ni imprimés ni portés
Dans la brouette des suppliciés
Ils sont pourtant les vers
D’une terre en jachère
Qui ne connut ni les horribles camps
Ni le désastre des guerres
Mais les oiseaux des champs
Pies mésanges bergeronnettes
ÉCRIRE UN POÈME RUE DE LA BERGERONNETTE
écrire un poème
tout en noir
avec une cravate blanche
de vieux chiffonnier
écrire un poème
du bout des ongles
pour les passants
de la rue de la Bergeronnette
écrire un poème
dans le grand lit blanc
traduit de l’Allemand
ou du Bosniaque*
*Le cornet à dés
Max Jacob
écrire un poème
jamais de ratures
et jamais d’injures
(quoique)
écrire un poème
sur le toit d’ardoise
d’une maison de la vallée d’Aure
écrire un poème
pendant que Monsieur le Président de la République
ranime la flamme du soldat inconnu
écrire un poème de petit Poucet
cailloux noirs
sur page blanche
écrire un poème
une mise à l’épreuve de pensées
qui vont et viennent
et ont tendance à s’évaporer
écrire un poème
c’est une boutade
dont tu te défies
écrire un poème
c’est en écrire
deux ou trois
à la fois
écrire un poème
résistances réticences
mais pour sauver la mise
nul cogito
écrire un poème
avec ceux des autres
comme miroirs
écrire un poème
autour du vide laissé
par la disparition
de sa femme amie aimée
écrire un poème
pour se maintenir
et se défaire
de nos paroles prisonnières
écrire un poème sur un mamelon
la motte d’un château
où font l’amour
les troubadours
écrire un poème
sur le silence
ou presque
écrire un poème de homard
qui cuit dans le court-bouillon
écrire un poème de tortue
qui a perdu sa carapace
(ça promet)
écrire un poème
autour du vide laissé
par la disparition
de sa femme amie aimée
écrire un poème
c’est se maintenir
et se défaire
de tes paroles prisonnières
07/08/2019
Biographèmes : vallée d’Aure (Hautes Pyrénées) rue de la Bergeronnette (Martigues) sa femme amie aimée (poèmes à ma morte éditions de l’Harmattan 2018)