FIGURANT ÉPHÉMÈRE

Je vois des mots en m’endormant

Une silhouette parlante les agite sous mes yeux qui se ferment

Cette nuit il me semble distinguer cinéma, cambrioleur de rêves, ours blanc,

Je me dis qu’il faudra m’en souvenir quand je rouvrirai les yeux après un premier somme

Mais au premier éveil tout semble s’être effacé

Qu’importe j’improvise mais cette fois un stylo à la main :

Figurant éphémère, tête d’or, Icare,

De quoi nourrir l’imaginaire d’un souffleur de vers qui en fera un court poème

Un figurant éphémère
Une tête d'or
Icare et son vol de mort

ALORS QU’EST-CE QUE T’AS ÉCRIT CETTE NUIT ? 12 Morale élémentaire :un roi pour le cinéma.

12

MORALE ÉLÉMENTAIRE : UN ROI POUR LE CINÉMA

-Alors qu’est-ce que t’as écrit cette nuit ? -Dans la nuit brune au clair de lune là où s’embourbe le dernier fiacre de la monarchie angloise, sous les vivats ! -Ah ! Charles III. -Oui et Guillaume le Conquérant leur premier souverain venu de Normandie. Futurs brumeux. En courant les rues surgissent parfois les rois mages inconnus dont le passant las ne déchiffre pas l’errance et le but. Le passant et les télévisions qui confondent la réalité avec la réalisation d’un spectacle kitsch en mondovision. Futurs instables, futurs révélés, Nostradamus sur ses grands chevaux court à travers les siècles des siècles : le roi des Îles perdra ses confettis du Commonwealth, un homme qui ne s’attendait pas être roi promptement le remplacera. Calculs incertains. Baratins lointains. Barati baratin, je puise dans la presse pipol et surtout dans le dernier ouvrage du Mage Queneau qu’il intitula Morale élémentaire. La carriole de l’Oulipo va cheminant et parfois recule. On dévide des fils de soie qui tissent des robes en or qu’un vieux monarque et sa mounaque portent avec allure et ridicule. Le cinéma édulcore ça.  

UNE PROSE SUR LE DÉPART





Pas un jour sans poème que je poste la nuit

Mais cette fois c’est une prose sur le départ.





C’est une prose sur le départ et son enfant hésite,

il voudrait bien la remplacer par un saxophone

ou par un coup de théâtre, comme au cinéma.





C’est une prose sur les marges d’un exemplaire abandonné

aux flots des Voix-Autres, à contre-courant des livres primés.





C’est une prose de l’U topie, de l’A topos, du papillon

qui rêve sur les fleurs de l’amandier, de la Voie

qui ne doit pas se dire sous peine de disparition.





C’est une prose de chenapan, de mots taillés dans les haillons

d’argent et sotz folha d’albespi :« sous le feuillage de l’aubépine. »





C’est une prose à petits pas, à petits feux, d’un amoureux

sur le papier et dans la voix de l’aurore.





C’est une prose de lèvres rouges et du sang des innocents,

d’une femme brûlée par les rayons d’la mort.





C’est une prose inachevée qui passe et qui prend feu

après beaucoup d’années de miscellanées…





prosa sotz folha d’albespi

MACHINA MEMORIALIS





L’art est un labyrinthe infini d’enchaînements.

Lev Tolstoï





Machina memorialis : contre le sentiment d’abandon

devant sa planche d’écriture,

chacun.e à sa manière construit cette machine

qui fabrique des images.





La plupart en font « tout un cinéma »,

prenant le mot au premier degré,

et quelques autres, l’immense minorité*,

continue à les créer…sur du papier.





Cette nuit, en vrac, ce sont

les escaliers à double révolution de Chambord,

la tapisserie de Bayeux avec la broderie figurant la comète de 1066,

un photo de Borges, aveugle, feuilletant avec le plus grand des sérieux

une encyclopédie,

et ce dessin étrange que l’auteur de ce texte fit,

avec une plume trempée dans son encrier Waterman,

le dix février 1981.

*c’est ainsi que Machado désignait les « poètes ».

10/02/2021

sur un de mes cahiers d’écolier