UNE MESURE POUR RIEN

UNE MESURE POUR RIEN

Une mesure pour rien, c’est le charme de ces phrases musicales en apesanteur, sans pulsations, qui me mettent en état d’oublier tout ce qui touche aux maux de la tribu.

Après ce passage musical et matinal obligé, que j’écoute en buvant le premier café, je peux à mon tour m’essayer à faire chanter la plume sur mes papiers préparés par de longues digressions sur des carnets de notes et de citations.

« Et quand personne ne me lirait », rien ne m’empêche de mêler dans mes poèmes des observations de mille petits détails venus du terrain ou des encyclopédies.

Les mesures pour rien, la rougeur soudaine sur un visage rose, un chat isabelle caché dans les roches de la passe maritime, une phrase belle comme un Carnaval.  

FAIRE DU MONDE UN GRAND COMMENTAIRE SANS PAGE FINALE

J’y trouve toujours, parfaitement indomptable, une sorte d’incitation troublante à écrire sans arrêt, à écrire au point de tout noter et de faire du monde un grand commentaire perpétuel sans page finale.

Enrique Vila-Matas (Mac y su contratiempo) traduction de l’espagnol André Gabastou

Je lis et je bondis sur toutes les phrases écrites publiées dans ses livres par mon écrivain new-yorkais – mes lectrices-lecteurs n’ont pas oublié j’espère que son corps habite la rambla de Catalunya, mais son âme voyage voyage – un coup comme ce soir où je bronche sur un passage écrit depuis le Grand Central new-yorkais, un autre à Lisbonne, un autre à Paris où il crèche dans la chambre de bonne au-dessus de l’appart de Marguerite D. Ou bien, c’est son dernier opus, à Montevideo dans la chambre d’hôtel d’une nouvelle célèbre de Julio C. La puerta condenada

Maintenant je me frotte à la bataille des citations dont il fait grand usage Soit : ce dont on ne peut parler il vaut mieux le taire, contrecarré, si je puis dire, par Tout ce que j’écris tout ce que je dessine relève de l’enfance et du courage d’enfance qui commence à faire d’abord et à réfléchir après

La première serait de Wittgenstein la seconde je l’ai recopiée hier sur les murs du majH écrite de la main de Joann Sfar à qui est consacré une exposition explosive inventive généreuse infantile dans le meilleur sens du terme (on ne se souvient pas sans doute que c’est ainsi qu’André Breton qualifiait l’art de Mirô qu’il admirait)

Paris 12 janvier pour le premier jet Londres 17 janvier pour le texte présent et en particulier la citation ouvrant le bal

CENTON 21 à 25

CENTON & MISCELLANÉES

EN COURS D’ÉCRITURE

CENTON Pièce faite de fragments d’étoffes rapiécés, si l’on veut. Ou bien l’étoffe se transforme en textes divers puisés dans nos livres et que l’on « colle » l’un après l’autre. Des ajoutages lit-on dans les notes accompagnant les paragraphes mis bout à bout, d’une œuvre qui n’en finit pas d’être rafistolée. 

J’invite lectrices et lecteurs au gré de leurs lectures d’apporter à leur tour leurs petits bouquets.

JJ Dorio Martigues 18 novembre

les citations, greffes capricieuses en apparence, impriment une magnifique éloquence au discours : les citations résidus culturels, s’incorporent de façon prodigieuse dans la structure car, au lieu de s’ajouter tranquillement au reste du texte, elles font en sorte que tous les deux s’entrechoquent, prennent une puissance imprévue et se transforment en un nouveau chapitre du livre. Enrique Vila-Matas Paris no se acaba nunca Paris ne finit jamais

21

À la fin de ma vie je voudrais m’être servi de tous les mots du dictionnaire.

22

Va-t-on bientôt bombarder les anges ?

Préparons-nous à entendre l’espace crier.

23

On me dit que j’ai l’allure d’un flâneur. Je laisse dire, je ne flâne jamais. Je cours sans cesse après le temps qui court. (…) Si je flâne cependant, c’est sur l’autre rive de moi-même, dans ces terrains vagues où se déploient lentement et sans mon consentement les souvenirs de celui que je fus.

24

On voit à l’entrée du jardin public de Tarbes cet écriteau : Il est défendu d’entrer dans le jardin avec des fleurs à la main. On le trouve aussi de nos jours à l’entrée de la littérature.

25

Il y a des livres contre lesquels on se blottit, ils vous protègent, avec eux, on peut se laisser aller.

21 Georges Perec (7 mars 1936-3 mars 1982)

22 Henri Michaux (24 mai 1899-19octobre 1984)

23 Gilles Lapouge (7 novembre 1923-31 juillet 2020)

24 Jean Paulhan (2 décembre 1884-9 octobre 1968) Les fleurs de Tarbes

25 Maurice Nadeau (21 mai 1911-16 juin 2013)

JE ME PERDS DANS MES RÊVES

JE ME PERDS DANS MES RÊVES mais comme dans un grand jeu de l’Oye il y a des cases d’épreuves pour m’avancer ou me rétrograder il y a des citations est-ce de la Bible ou de Shakespeare ? des vers de Jean Racine Je me trompais moi-même ! Ami n’accable pas un malheureux qui t’aime. Pylade ou Oreste ? Au reste toujours l’odeur du sang : tous les parfums de l’Arabie n’adouciraient pas cette petite main shakespearienne qui écrit sur son papier qui se déploie sur des centaines de verstes Anton Tchekhov dit de ces anciennes mesures de longueur : elles ne sauraient vous accabler autant qu’un homme qui s’incruste chez vous pour parler sans fin C’est ce que font la kirielle de romanciers vendus comme des petits pains non ? De grâce petit me dit le poète de Face à ce qui se dérobe ne te laisse pas emporter dans la caravelle de la prose du monde qui va t’enfouir corps et biens Et continue s’il te plaît à te perdre dans l’espace d’un texte où le temps mis à l’éprouver tout au long d’une vie va peut-être te donner in fine la chance de retrouver ce lecteur de toi-même rêvé par celui qui partant à la recherche du temps perdu découvrit qu’il possédait un sens spécial tel celui ou celle qui regardant dans un télescope fait apparaître les étoiles qui sont invisibles à l’œil nu Moi poursuit l’écrivain protée j’ai tâché de faire apparaître à la conscience des phénomènes inconscients qui, complètement oubliés sont situés très loin dans le passé…   

source manuscrite Martigues 14 janvier 2023

GLANES

GLANES

                Chaque jour et la nuit par intermittence, je cueille ma poignée de glanes : citations (et récitations), récits de vie, mémoires des morts, étymologies des dictionnaires, phrases étirées des prosateurs  ou condensées des poètes.

                Poignée de glanes, bouquet de bagatelles et de calamités, que m’offrent aussi les journaux qui rivalisent de titres approximatifs, comme l’homme de Tzara (ex Dada), qui n’est pas le fragile marcheur de Giacometti, ni le coq déplumé lancé dans l’assemblée par Diogène le Cynique s’exclamant : -Voilà l’homme de Platon. (prenant au pied de la lettre la définition du maître de l’Académie : « l’homme est un animal bipède sans plumes »)

                Chaque nuit et le jour je libère cette énergie, antidote des modes et des « servitudes volontaires », pour redonner tout son prix à nos inestimables et vulnérables vies.

l’homme de Giacometti musée national Washington avril 2018