JE ME PERDS DANS MES RÊVES

JE ME PERDS DANS MES RÊVES mais comme dans un grand jeu de l’Oye il y a des cases d’épreuves pour m’avancer ou me rétrograder il y a des citations est-ce de la Bible ou de Shakespeare ? des vers de Jean Racine Je me trompais moi-même ! Ami n’accable pas un malheureux qui t’aime. Pylade ou Oreste ? Au reste toujours l’odeur du sang : tous les parfums de l’Arabie n’adouciraient pas cette petite main shakespearienne qui écrit sur son papier qui se déploie sur des centaines de verstes Anton Tchekhov dit de ces anciennes mesures de longueur : elles ne sauraient vous accabler autant qu’un homme qui s’incruste chez vous pour parler sans fin C’est ce que font la kirielle de romanciers vendus comme des petits pains non ? De grâce petit me dit le poète de Face à ce qui se dérobe ne te laisse pas emporter dans la caravelle de la prose du monde qui va t’enfouir corps et biens Et continue s’il te plaît à te perdre dans l’espace d’un texte où le temps mis à l’éprouver tout au long d’une vie va peut-être te donner in fine la chance de retrouver ce lecteur de toi-même rêvé par celui qui partant à la recherche du temps perdu découvrit qu’il possédait un sens spécial tel celui ou celle qui regardant dans un télescope fait apparaître les étoiles qui sont invisibles à l’œil nu Moi poursuit l’écrivain protée j’ai tâché de faire apparaître à la conscience des phénomènes inconscients qui, complètement oubliés sont situés très loin dans le passé…   

source manuscrite Martigues 14 janvier 2023

J’ÉCRIS opus 20





J’écris la Cerisaie

J’écris sous la petite pluie qui tombe sur la Cour d’Honneur

Ce 12 juillet de l’an deux mille 21





J’écris éberlué par le jeu des acteurs entourant Lioubov

J’écris électrisé par l’actrice qui l’incarne

Qui semble n’avoir pas d’âge

Et dont le corps tout feu tout flamme

Traverse comme un fantasme éveillé

La dernière pièce d’Anton Tchekhov





J’écris Huppert

Toujours Upper





J’écris la main sur le texte

Traduit par André Markowicz

Et Françoise Morvan





J’écris mouché

Par ce masque en papier

 Sur lequel rebondissent les répliques





J’écris en sandale

Jouant au scandale de jeter l’argent de la pièce

Aux spectateurs trempés comme soupes au lait





J’écris C’risaie

Sous les risées d’une vie dérisoire

De personnages faillis

Qui s’effondrent





J’écris éjecté de mon siège

Par la ruse de l’Histoire début d’un nouveau siècle

Qui confond le XX° et le XXI°





J’écris ânonnant mes impressions

Sur de petits tickets

D’un métro fantôme





J’écris comme le fils d’un paysan de l’Ariège

Et non celui de ce moujik marqué au fouet

Jouissant de sa vengeance

En rachetant en fin de Conte

Toute la propriété

Qu’il s’empresse d’abattre à la hache

À la hâte d’accueillir

Le monde acculturé de la bourgeoisie argentée





J’écris percuté, tourmenté,

Débaroulant la pente d’un monde Titanic





J’écris désassemblé

Dans une assemblée

Où chacun croit trouver refuge

Sous son parapluie





J’écris comme le font les poésies

Qui crépitent et miment

Toutes les Utopies

J’écris Utopiste

Le front collé sur le cahier des charges :

Sauve qui peut Survie





J’écris couleur isabelle

Chatte, chaton et Reine

de la Reconquista





J’écris petit roi déchu fuyant l’Alhambra

J’écris poète dépourvu

Énergisant le corps du texte

D’une danse ténue têtue

ADIEU VIEILLE VIE ! BONJOUR VIE NOUVELLE !

une brèche dans le soir




ADIEU VIELLE VIE ! BONJOUR VIE NOUVELLE !





C’est comme une brèche, dans le soir d’été, qui naît peu à peu.

Au fur et à mesure, l’ombre s’étend sur le carré de pelouse et les arbres du jardin.

C’est comme une hache qui commence à abattre les arbres de la Cerisaie.

Mais ici la pièce se déroule dans un livre.





Je relis plusieurs fois cette scène poignante entre Lopakhine, le nouveau propriétaire,

et Varia, la gouvernante de la famille en partance,

dont peut-être, il pourrait demander la main.





Deux petites pages de phrases, sans grand relief, ponctuées de silences.

Tchekhov a-t-il hésité, imaginé un autre dénouement ?





Après leurs brefs échanges, on appelle Lopakhine qui sort.

Varia assise par terre, la tête posée sur un ballot de vêtements

préparés pour le départ, sanglote sans bruit.





J’entends la voix de miel de Marcel Maréchal,

qui jouait Lopakhine à la Criée de Marseille, en 1993.

Il vient de quitter définitivement la scène de la vie.

Sans retour. Et sans un dernier salut à la salle.





Il me revient, ce soir, de cette écriture

qui finit à présent dans le clair-obscur,

d’imaginer que cet acteur,

exceptionnel en son temps,

et que le public oublia,

vit toujours.





  • – Adieu, maison ! Adieu, vieille vie !
  • – Bonjour, vie nouvelle !




09/07/2020