LIGNES DONT ON FAIT LE DEUIL

Dans le désordre du linge de ma couche

Je couche ces quelques lignes

Dont je fais aussitôt le deuil

Car tout simplement et bêtement

J’ai perdu la page de mon carnet

Où je prosais ces quelques vers

Un dieu malin me les aura cachés

Dans le maquis des phrases

Qui sans compter les heures

S’additionnent dans ma chambre d’écriture

GUERRE N’AI FAITE PAIX ME CONVIENT

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Guerre  n’ai faite Paix me convient
Quand tout se dérobe ici je me tiens
Ici je me brûle à mes vers de glace
À mes vers pourris j’ajoute pour rire
Mon grain de paroles aurore des nuits
Où l’on proclamait sur les murs du Grand Mai
Faites l’amour et non la guerre
Ailes déployées sur mes basses terres
De mon arrière-pays qui va criant
De deuil me repais me lamente en riant
Une ligne empruntée à Peletier du Mans
Que lui-même traduisit ce sonnet italien :
Pace non trovo et non ho do far guerra
Je vois sans yeux sans langue vais changeant
Mort en désir de me prolonger Périr en Vie éternelle

Jacques Peletier du Mans (1517-1582)

LA NUIT BLANCHE

La Nuit blanche c'est comme une poussière qui achève bien les stylos
La Nuit blanche c'est comme un visage en deuil de noir et de blanc
La Nuit blanche c'est le petit veau étoilé qui perce la poche sanglante de sa mère
La Nuit blanche c'est l'énergie qui oscille entre brillance et matité

La Nuit blanche c'est le révolver d'acacia
La Nuit blanche c'est le silence tiré à quatre épingles
La Nuit blanche c'est l'œuf cosmique qui sort de la lagune de Tenochtitlán
La Nuit blanche c'est le lin et le lien de tous les travailleurs
de la vingt-cinquième heure

La Nuit blanche se promène sur le dos des yacks noirs
La Nuit blanche jette son voile et ses graviers volcaniques
Sur la plage sans pavés
La Nuit blanche c'est le sel et le lait
L'hésitation du stylo sur la page de craie
Miel et cendres
Titre blanc


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