PASSER

Passer comme le fleuve qui est de temps et d’eau

Passer comme la barque du berceau au cercueil

Passer comme ces vers qui filent l’anaphore

Passer d’ Homère à Borges de l’ Odyssée à l’Histoire de l’Éternité

Passer sur la page vierge des jours sans inspiration

Passer la poésie au peigne fin des gymnopédies

Passer de Keith Jarret à Érik Satie

Passer sur ce poème du vide et du vertige

Passer sur le silence des voix qui se sont tues

À LIRE SANS RIRE (de manière distanciée)

Nuestras vidas son los ríos
Que van a dar en la mar
Que es el morir

Jorge Manrique

Assis au bord du fleuve de ta vie
à soixante-dix-sept berges
Tu cherches toujours
La distance la bonne distance

Entre deux poèmes
Deux essais de puiser un seau d’eau
Devant cette fontaine
Où poètes de toutes les époques
Meurent de soif

Entre deux pages
En vis-à-vis
Qui s’interpénètrent ou s’antagonisent

Entre l’œil et la voix
De mots qui crient
Ou murmurent dans la bouche d’ombre

La distance la bonne distance
Le fleuve la fontaine les pages tournées
Et qui retournent
(bon gré mal gré)
Vers la mer où tout s’abolit

UN FLEUVE D’ART ET D’OR PAILLEUR

TEXTE ET HYPNOGRAPHIES
dernier jour de mai 2020
un dimanche unique

UN FLEUVE D’ART ET D’OR PAILLEUR





Un fleuve d’art

et d’or pailleur

Paille et poutre

De la cave au grenier

Du grenier

où l’on voit les Constellations

sur les 23 toiles roulées

par Joan Miró





Aujourd’hui

c’est dimanche

je me dis

quoique je fasse

il n’y en aura pas deux

comme celui-là





C’est le dernier jour de mai

deux mille vingt

J’entends la première tourterelle

de l’aurore

Mais je ne vais me hâter

de quitter le lit

Corps allongé

Plume arrêtée





Je dicte ce faux poème

à la secrétaire

Madame Puérilité