J’ÉCRIS EN BUVANT L’EAU DE LA FONTAINE DU GRAND OUBLI J’écris sans mémoires ni souvenirs J’écris sur un bloc de cire vierge de toute poésie J’écris chantant des mythes accoudé au rocher de Sisyphe J’écris des glyphes qui attendent leur Champollion J’écris formes, notes et simulacres J’écris dans l’odeur âcre des derniers feux de Mai 68 J’écris 68 fois sous les pavés la page J’écris en marchant de nuit dans les rues d’une ville inconnue dictant à mon magnétophone portatif le nom des rues et des affiches J’écris et quand personne ne me lira je m’en fiche
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À LIRE SANS RIRE (de manière distanciée)
Nuestras vidas son los ríos Que van a dar en la mar Que es el morir Jorge Manrique Assis au bord du fleuve de ta vie à soixante-dix-sept berges Tu cherches toujours La distance la bonne distance Entre deux poèmes Deux essais de puiser un seau d’eau Devant cette fontaine Où poètes de toutes les époques Meurent de soif Entre deux pages En vis-à-vis Qui s’interpénètrent ou s’antagonisent Entre l’œil et la voix De mots qui crient Ou murmurent dans la bouche d’ombre La distance la bonne distance Le fleuve la fontaine les pages tournées Et qui retournent (bon gré mal gré) Vers la mer où tout s’abolit
PUR CHIFFON
Pur chiffon c’est papier
Pur papier c’est coton
Coton tige cigarette
Gare à toi tu es suivie
Une ligne et puis l’autre
Une vigne une feuille
« Dans l’eau de la claire
fontaine »* Je meurs de soif
devant tes trois voyelles
e de feu
a d’aqua
u de ru
Mon petit ru
se rue vers la pente
de l’espace blanc
qui alimente tout poème
tombe la neige
et que n’ai-je
un Ravel
pour pleurer
mon infante défunte
*Dans l’eau de la claire fontaine elle se baignait toute nue Georges Brassens