BREDOUILLE

Je repars bredouille de la quête des mots

Je suis fanny comme dit l’autre

Mais je l’écris je le bredouille

C’est déjà mieux que rien

Ce presque rien et ce je ne sais quoi

Qu’affectionnait Jankélévitch

Il saisissait ainsi la manière et l’occasion

et dans un second tome

La méconnaissance le malentendu

La liste n’est pas close

de même que mon poème

parti de rien

mais qui en chemin

a trouvé du grain à moudre

***

« Ce commencement qui n’en finit pas » est, de loin, ma formule magique préférée. Elle ouvre la scène imaginaire, l’Autre Scène, où va opérer ce commencement du commencement « à partir du rien de la feuille blanche, à partir de l’amorphe et de la parole balbutiante. » (Vladimir Jankélévitch)

ADIEU À LAUJOURDHUI

J’ai du mal certaines fois à dire adieu à l’aujourd’hui J’aimerais le prolonger revivre encore au ralenti tous ses petits moments d’insouciance : rires et larmes d’une gaieté partagée pour un bon mot, une galéjade (de galer se réjouir), Braises de phrases sur lesquelles on souffle en toute innocence Souviens-toi, se dit-on ensuite lorsqu’on se retrouve seul ou seule Souviens-toi du poème que tu écrivis plus tard (dans l’aujournuit), pour le plaisir de recroiser sur le papier les images et les visages de cette journée particulière L’encre brillait, vibrait d’un lyrisme contenu, la page évoquait cette lumière d’une étoile éteinte depuis des milliers d’années mais qui continuait à nous parvenir comme ce viatique pour l’éternité, que l’on peut lire gravé sur une pierre blanche, sur l’immeuble donnant sur le Quai aux Fleurs et qu’occupa le philosophe doux dingue qui avait pour nom Jankélévitch et que les étudiants des amphis occupés en Mai 68 appelaient affectueusement Janké Adieu donc à l’aujourd’hui, à sa sereine intranquillité, que l’on annote sur notre partition d’un ppp (pianossissimo)

https://www.leseditionsdunet.com/livre/un-dictionnaire-part-moi

ABRACADABRA





Longtemps je me suis couché…dans le temps.
Marcel Proust
(incipit et derniers mots à la recherche du temps perdu)

Je souffle sur le premier jour
Je murmure tout bas
Ce que personne n’entend
Sur cette page

Cette plage qui risque
D’être envahie par la marée noire
De l’an qui vient

Je souffle sur les cendres
De l’an passé
J’ai essayé d’en prendre soin
J’en ai gardé dans le secret
Quelques vibrations
D’une langue emmiellée
Par le vin le vent la vie

La source des textes précieux
Auxquels je pose chemin faisant
Des questions enfantines

La Plupart du Temps il est vrai
Proses ou poèmes ne répondent pas
Mais aujourd’hui premier jour
C’est magique
Il semble que c’est à moi-même
Que le livre parle et répond
Abracadabra 

Comprenne qui pourra

VIATIQUE

Premier jour 
Beréshit
« En premier »

Je clos ainsi curieusement
Mon mémento
Agenda commencé il y a un an déjà
Par ces mots :
L’année sera belle
Ou ne sera pas

Tant bien que mal
Elle a été…

Celui qui a été ne peut plus désormais avoir été
Désormais ce fait mystérieux et profondément obscur
D’avoir été
Est son viatique
Pour l’éternité

Vladimir Jankélévitch