PIQUER ET REPIQUER

                                            Je pique et je repique
                                               Dans le tissu des jours
                                               Le fil est l’alphabet
                                               Marqué du sceau des mers
                                               Des ronces et des bêtes
                                               Piqué de hiéroglyphes
                                               Et de poèmes à contre-jour
                                               Je pique et repique
                                               Un soleil Une tête
                                               Le masque d’un visage
                                                        A distance des choses
                                               A distance des muses                  
                                                L’audace des figures
                                               Qui tissent leur patchwork



hypnographies pour Alice p 24 sur 66

LES JOURS ABANDONNENT LEURS PEAUX DE SERPENTS





Sans emphase À ceux qui me lisent avec bienveillance

Michel Butor





J’ai perdu le compte des contes avortés J’ai perdu la llorosa vida – la vie en pleurs – J’ai perdu Amadis et Don Quijote le chevalier à la triste figure  Ce petit temps humain passé à écrire sur ces lignes et pages d’écolier Ce petit temps humain qui fait écho aux chansons de l’enfance et du destin Ce petit temps humain pour rire à deux pour le roi de la nuit et trois éléphants rouges Ce petit temps humain qui se décline à l’instant sous la lampe de nuit et les voix de l’Atlas Ce petit temps humain qui fait et défait une vie que l’on voudrait sans fin Les jours abandonnent leur peau comme des serpents Los días abandonan su piel como las culebras* C’est une chanson qui tourne comme la roue de fortune du tío vivo ce manège qui nous emporte jour après jour Mais les enfants sont là  qui mangent la lune comme si c’était une cerise  Si les fleurs n’étaient que belles sous nos yeux, elles séduiraient encore; mais quelquefois leur parfum entraîne, comme une heureuse condition de l’existence, comme un appel subit, un retour à la vie plus intime.**





*Lorca **Senancour