RESSUSCITÉE





Je rêve. J’écris un poème.

Dans le noir. Sur un tableau.

Je ne vois que du noir.

Mais j’écris un poème. À la craie.

Qui me croit ? Pessoa peut-être.

Personne assurément. Je rêve.

J’entends la craie. Cloc cloc cloc.

Un titre. Que j’ai maintenant oublié.

Parce que j’écris. Je ne rêve pas.

J’écris « Ressuscitée ».

C’est un titre inventé. Faux.

Faut bien confondre le masculin

Avec le féminin. Inventer

La grammaire du poème rêvé.

Les yeux grands ouverts.

Noir. L’achever.

Inachevé.

(à suivre)

CES SIGNES QUE NOUS HAÏMES


J'ai écrit un poème que jamais personne ne lira
Je l'ai donné au vent brûlant de l'oubli
Feuille à feuille au son d'un tambour Hopi

C'était un long poème qui n'en finissait pas
Écrit dans des bistrots du Quartier
Sous la flamme vacillante d'une chandelle


Ce poème
Que jamais personne ne lirait
J'en ai trouvé des bribes
Dans une revue éphémère
De nos années de braises

Des titres phonémiques et graphémiques
Traduits d'un soi-disant auteur de la Beat

Des copains les auront ramassés
Sur mes tables de café

Poèmes hors de saison
À présent que graphèmes et phonèmes
Ces signes que nous haïmes*
Ont disparu du champ

*par assonance et antiphrase


VERS LA FIN LE POÈTE

La poésie qui se prenait pour la parole en personne
quand elle n'était qu'un filet de voix
dans le tumulte du monde

Gérard Macé
Vers la fin le poète
qui n'a plus à mettre de gant
ni avec sa gloriole - son assurance mort -
ni avec son petit métier :
la recherche de la juste distance
entre le tournoiement des mots
et la caresse du monde

Vers la fin
à pleines mains
ou sans toucher à rien
le voilà qui arrache encore
un peu de terre de son jardin imparfait
les yeux fixés sur la voûte cosmique
et les lèvres buvant à la source
du jour nouveau

Happé
par ce désir de porter
le souffle d'une langue
qui le livrant à l'éphémère
le détache de toute prétention
mais non de l'utopie
présente dans tout poème

(À sauts et à gambades)


L’AMI MONTAIGNE

 





Dès ma première enfance la poésie a eu cela
de me transpercer et de me transporter
Michel de Montaigne
 
écrire un poème
sous mille formes données
au sujet informe
 
écrire un poème
se tenir dans son assiette
à travers le branle du monde
 
écrire un poème
un pas de côté
deux clics de souris
 
écrire un poème
en mouvement
en recopiant
l’ami Montaigne
 
J’aime l’allure poétique
à sauts et à gambades
 
*italiques sont de Montaigne