LE POÈME JAILLIT DU COIN DE CETTE TERRE


Le poème jaillit du coin de cette terre
De chrome et de bismuth d’astanine et d’ions
De wolfram de scandium de noire aniline
De l’astringent alun du rutile arkansite
L’argon et le néon et la guetta percha
Le quartz le silicium le fer et le titane
Le scandium (déjà dit) Bref toutes les scansions
De cette poésie où tous les éléments
Inspirent les travaux aux forgerons des rythmes
Mineurs de l’allusion tailleurs de métaphores
Les mots se sont gonflés du suc de toutes choses
De Ponge et de Queneau et du petit Dorio

le titre est un vers de Queneau du troisième chant de la Petite Cosmogonie Portative 

ALEXANDRINS EN VERS DE VELOURS


Plaisir jubilatoire le singe devient l’homme
Lequel un peu plus tard désagrégea l’atome
Fit des alexandrins sur des pages in-folio
Pliées en deux qui se gondolent et se marrent
Mares des mollusques mous et des onychophores
Qui sont vers de velours comme des métaphores
Et la musique jazz d’un Bach paratonal
Aimant le swing du piccolo au tuba basse
Y en aura des cristaux Y en aura des arêtes
Des coups de dés hasards qui me diront Arrête !
Ça suffit tu nous saoules Obstiné radiolaire
Hérissé de piquants ou bien vil ver de terre
Et drôle d’asticot ! Mais moi je persévère
Poursuivant mon destin antibouquinistique…
Et l’homme issu du singe en avale sa chique

les italiques sont de Queneau du quatrième chant de sa Petite Cosmogonie Portative


UN BOUT D’OUATE DANS UNE BOUATE

Un bout d’ouate dans une bouate
(c’est du pur Queneau) 
Un bout de doigt
Orné d’une bague à Jules
Et à Julie
Un verre à dent
Rempli de Badoit
L’eau préférée d’Ève
Et d’Adam
Un coq qui coquorime
Et un tchot
Qui hulule
O !U !O !U ! O Ursule
Un paradis né de la boue
La gadoue la gadoue la gadoue
Un gars doux
Qui composa 
Une nuit de brume
Et d’ouate 
Cette fantaisie
Qu’il conserva
À l’abri
Des assassins de la poésie
Dans une bouate

T’IMAGINES

T’imagines ces lignes à la lueur d’une chandelle censée éloigner la foudre qui nuit à ton existence

T’imagines que tu tires un à un les arcanes majeurs du tarot de Marseille

T’imagines entendre une voix puissante et railleuse qui dit : -Voilà qui va faire sortir l’Hermite de son trou !

T’imagines que tu te retrouves dans ton école Freinet avec des lettres de bas de casse qui collées une à une accomplissaient le miracle de te sortir des situations les plus désespérées

T’imagines voir les chats huant fumer la pipe de Brugeilles

T’imagines qu’une horloge pousse dans ta tête et menace si tu l’arrêtes de faire une dépression nerveuse

T’imagines l’Hermite au pied léger qui promène sur son dos un harfang de l’Arctique

T’imagines le Bateleur debout devant son établi secouant dans son gobelet les dés du divin « hazard »

T’imagines Juliette chantant Si tu t’imagines fillette fillette Si tu t’imagines si tu t’imagines

T’imagines Queneau le père de cette chanson germanopratine qui sort de son dernier bouquin et qui happe toute cette histoire « avec ses petites paches de mouttes »

t’imagines que tu as reçu une lettre qui donne une impression de surnaturel

ON VA Y ARRIVER

On va y arriver dit lératépiste sorti tout de go dun roman de Queneau On va bien voir si le chemin nous mène jusquà ce petit coin de lœcoumène où figuraient dans les premiers temps Adam et Ève On va tenter de franchir les cercles maudits pour arriver -peuchère- jusquau Paradis Une fable confirmée par une chiée d’auteurs vénérables dont Bède (suivi du même adjectif) qui aurait dicté cinq vers sur son lit de mort Mais aussi (la liste détient le record de la poésie des noms) Ephren de Philotorgios à qui lon doit la description la plus crédible de la montagne de lEden Et Jean Damascène de Damas comme son nom lindique qui mourut un 4 décembre le jour de Sainte Barbe (comme mon père qui sappelait Noël) Et Mosès Bar Céphas plus connu, selon Wikipédia, comme Moïse Bar Képha qui fut « périodente » (non périodiste) du siège de Tikrit Et Isidore de Séville pourtant né à Carthagène Et pour finir (momentanément) le plus célèbre dentre eux Augustin qui bien que persuadé quun ptit coin dParadis existait sur Terre expliquait dans ces célèbres apories du Temps que léternité ne pouvait quéchapper aux humains bornés Voilà on y est arrivé Raymond la Science (le surnom de Queneau, né des capacités dun Encyclopédiste toujours en quête de ses ignorances) aura pardonné ce parcours tortueux lui qui affirmait que LHistoire était la science du malheur des hommes.

https://www.leseditionsdunet.com/livre/un-dictionnaire-part-moi