Le poème jaillit du coin de cette terre De chrome et de bismuth d’astanine et d’ions De wolfram de scandium de noire aniline De l’astringent alun du rutile arkansite L’argon et le néon et la guetta percha Le quartz le silicium le fer et le titane Le scandium (déjà dit) Bref toutes les scansions De cette poésie où tous les éléments Inspirent les travaux aux forgerons des rythmes Mineurs de l’allusion tailleurs de métaphores Les mots se sont gonflés du suc de toutes choses De Ponge et de Queneau et du petit Dorio le titre est un vers de Queneau du troisième chant de la Petite Cosmogonie Portative
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UN TEXTE À REMBOBINER
Pâle lune du matin semblable à une méduse Je note l’image sur mon carnet avant de me rendormir La nuit fut voyageuse en des mondes d’Odyssées Les pérégrinations d’Ulysse Les merveilleuses découvertes d’Alice Le mythe du chemin des Indiens morts recueilli par Compère Perrin 1
Avant de m’assoupir j’ai eu le temps de raviver les braises d’un feu de branches soutenu par quelques souches de mon olivier qui n’a pas résisté à la sécheresse de l’été J’ai revu ce faisant le foyer de la forge où le maître des lieux (« le faouré ») préparait les fers rouges puis blancs, afin d’en chausser les bœufs tenus par des sangles au « Travail » Ça sentait la corne brûlée, non la corne de brume d’où émerge mon radeau de survie de l’imagination poétique : épilobe, oxalide, phalaris, trois mots rares épinglés pour les écrire à l’encre de Chine sur un papier bible, fin comme le papier cigarette que j’achetais naguère en demandant au buraliste : un Job s’il-vous-plaît.
Il était pauvre comme Job, elle a remis sa rob C’est l’évocation de ce pauvre vieux assassiné dans la chanson du père Brassens parce qu’il n’avait pas un sou vaillant à donner « à une de vingt ans » dont il avait demandé les faveurs Assassiné Assassinat Ah ! Ça ira ça ira ça ira dit la Carmagnole, une femme qui haïssait Madame Véto Les neuf muses, seins nus, chantaient la Carmagnole Un retour de printenps pour une Révolution commencée dans la Joie terminée dans le Sang des têtes tranchées
Mon texte lui aussi est en train de perdre sa tête filant son mauvais coton Un bon prétexte pour le boucler mais sans se défiler Il t’appartient lecteur de réenrouler la bobine
1 COMPÈRE PERRIN : COMPADRE
Avoir pour ami un « ethnologue, directeur de recherche au CNRS, enseignant à l’EHESS, dont les travaux portaient sur la mythologie, le symbolisme et le chamanisme (entre autres) » et qui m’envoya, sitôt sortis, tous ses livres, m’a permis de lire une abondante littérature spécialisée. Il est vrai, qu’au début il lui arrivait de me dire les indiens nous pardonneront, phrase à méditer, mais qui, en l’occurrence, rappelait les liens personnels que nous avions tissés, « sur le terrain », allant tous les deux au printemps 1971, à la rencontre de nos premiers « sauvages », les indiens « Panarés » vivant principalement dans l’état Bolivar du Venezuela. Ils nous avaient accueillis alors que, en train de danser et chanter, ils pratiquaient le rituel de la récolte de la canne à sucre.
Cette nuit, je consulte son « dictionnaire comparé de Sciences Humaines » (écrit à quatre mains), qui au fil des pages me donne l’étrange sensation d’être à mon tour ce sauvage « acculturé ». Mais, enfin, découvrant l’article « Compadrazgo », ce rituel fréquent en Amérique du Sud, me ramène à nos relations personnelles, puisque nous devînmes « Compères » quand il eut le bon heur de me demander d’être le « parrain » d’une de ses filles.
Michel Perrin (1941-2015) : Le chemin des indiens morts, Les praticiens du rêve, Le chamanisme, Tableaux Kuna, Voir les yeux fermés, Visions Huichol.
https://www.leseditionsdunet.com/livre/un-dictionnaire-part-moi
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JE ME SOUVIENS… MAIS J’AI OUBLIÉ
Agenda 12 au 18 avril 2021
Lundi 12/04/2021
Je n’ai plus d’accords Je n’suis plus d’accord Avec mes chansonnettes Elles ont disparues Au coin de ma rue Et je suis resté…bête Le doux caboulot Plein de populo Les amis les amours mortes Chansons malaimées Chansons oubliées Que le diable les emporte
Mardi 13/04/2021
Je me souviens de ma première auto, une deuch, mais j’ai oublié où et quel jour je l’ai prise en main pour la première fois.
Mercredi 14/04/2021
Je me souviens du professeur de mathématiques de l’école normale d’instituteurs d’Auch. Il avait été « gazé » en 14-18, ce qui occasionnait parfois des quintes de toux qui l’obligeaient à sortit précipitamment de la salle de classe, mais j’ai oublié le nom de ce brave homme.
Jeudi 15/04/2021
Je me souviens du corridor derrière la porte de la cuisine et devant la porte qui donnait sur l’étable des vaches et de la paire de bœufs nécessaire aux labours, mais j’ai oublié dans quelle arène j’ai assisté à ma première corrida et encore plus le nom des matadors d’alors.
Vendredi 16/04/2021
Je me souviens des processions du « mois de Marie », des autels qui étaient dressés dans certaines rues du village pavées de fleurs, mais j’ai oublié pourquoi une année tout s’est arrêté.
Samedi 17/04/2021
Je me souviens que pour mes 20 ans, étudiant à Toulouse, je m’suis payé un beau chapeau, comme chantait Distel, mais j’ai oublié ce qu’il est devenu ; je ne l’ai pas mangé, mais il a disparu.
Dimanche 18/04/2021
Je me souviens du soufflet de forge de mon arrière-grand père Vidal, qui était forgeron ; il était immense par rapport au petit soufflet que l’on actionnait pour raviver les flammes de notre cheminée. On appelait ce dernier lé buffet (prononcer comme « fête »), qui venait de l’occitan bufa, « souffler » ; ça je ne l’ai pas oublié.
L’ADIEU À LA BOUCHE D’OMBRE
Avec des mots qui crient
J’en ai fait des poésies
Ou j’ai cru en faire
C’étaient mes temps premiers
De mes rages An Rage
Un forgeron ivre
Avec trop de fers au feu
Nul regret cependant
« Non rien de rien »
Comme dit la chanson
Mais l’adieu à la bouche d’ombre
les jours échappent et aussi bien se reprennent et aussi bien l'An Rage