LA POÉSIE : UN ESSAI DE RÉHABILITATION

LA POÉSIE SANS BLABLABLA

La poésie sans blablabla la poésie ça jette un froid La poésie des soupers aux chandelles dans le port de Bougie La poésie du coffret de santal 1 La poésie dAnna de Noailles pressant contre son sein la vie âpre et farouche La poésie du trèfle rouge agité comme leurre devant la grenouille qui se veut faire aussi grosse que le bœuf La poésie des bœufs des jams des impros de guitares manouches La poésie par petites touches La poésie des élégies le genre ailé dIcare et de Joachim Du Bellay La poésie des Regrets La poésie des voix intérieures coulant à grands flots chez Monsieur Victor Hugo La poésie des conversations à voix basse et des partitions de Paul Verlaine notant avec soin linflexion des voix chères qui se sont tues La poésie du revolver aux cheveux blancs 2 La poésie du soleil noir dont on tâche de recoller pièce à pièce les métaphores et les oxymorons La poésie des livres maudits isolés en chambre de décontamination La poésie de cette nuit portée par mon crayon sur un papier la voix en tête de poèmes affichant leur vulnérabilité Mais la poésie en fin de conte et contre toute attente réhabilitée

1 Charles Cros 2 André Breton

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LE REVOLVER AUX CHEVEUX BLANCS





LE REVOLVER AUX CHEVEUX BLANCS

Prétexte

À force de noter ses rêves, il ne savait plus s’il rêvait qu’il dormait,

ou s’il se réveillait d’un somme où il rêvait qu’il traversait le Pont des Arts, un livre d’octosyllabes sous le bras.





Je mets la chambre dans le feu.

C’est un rêve d’André Breton

Qui tire à vue depuis la Tour.

La Tour Saint Jacques. Échec et mat.

Seul sans ma belle il m’a tué,

le révolver aux cheveux blancs,*

il t’a tuée.





Poésie ne fait pas de vagues

Elle vogue de nuit en nuit

Sur la barque d’un Anonyme.

Fanal, feu latent, exercice,

Poème en rupture, brisures,

Que l’on recolle pièce à pièce.





Les mots viennent de toute part

Mais il faut les laisser passer

Ou bien les isoler en chambre

De décontamination.





En attendant qu’ils nous reviennent

Avec l’ache et le serpolet**

Silence sur la page noire.





Sans livre à portée j’ai du mal

Mais avec crayon et papier

Je trace pour les recréer

Des guirlandes de l’un à l’autre.

J’ai du mal sans papier stylo

Mais persiste la voix en tête

De tous mes poèmes adorés.





À la fin sans pouvoir me plaindre

Sans voix sans oreille et sans yeux

Je n’aurai alors pour survivre

Que les mots sur les lèvres

de ceux qui m’ont aimé.





*André Breton

** Paul Fort

improvisation