LE REVOLVER AUX CHEVEUX BLANCS
Prétexte
À force de noter ses rêves, il ne savait plus s’il rêvait qu’il dormait,
ou s’il se réveillait d’un somme où il rêvait qu’il traversait le Pont des Arts, un livre d’octosyllabes sous le bras.
Je mets la chambre dans le feu.
C’est un rêve d’André Breton
Qui tire à vue depuis la Tour.
La Tour Saint Jacques. Échec et mat.
Seul sans ma belle il m’a tué,
le révolver aux cheveux blancs,*
il t’a tuée.
Poésie ne fait pas de vagues
Elle vogue de nuit en nuit
Sur la barque d’un Anonyme.
Fanal, feu latent, exercice,
Poème en rupture, brisures,
Que l’on recolle pièce à pièce.
Les mots viennent de toute part
Mais il faut les laisser passer
Ou bien les isoler en chambre
De décontamination.
En attendant qu’ils nous reviennent
Avec l’ache et le serpolet**
Silence sur la page noire.
Sans livre à portée j’ai du mal
Mais avec crayon et papier
Je trace pour les recréer
Des guirlandes de l’un à l’autre.
J’ai du mal sans papier stylo
Mais persiste la voix en tête
De tous mes poèmes adorés.
À la fin sans pouvoir me plaindre
Sans voix sans oreille et sans yeux
Je n’aurai alors pour survivre
Que les mots sur les lèvres
de ceux qui m’ont aimé.
*André Breton
** Paul Fort