À QUOI COMPARER CE MONDE

À quoi comparer ce monde ?                                                 
J’ai perdu les réponses
que je donnais naïf
et sans la moindre ironie.

À quoi comparer ce texte ?
À une barque légère
Qui vogue sur la rivière du ciel
Légère comme la rosée.

À qui comparer celui qui a écrit
-vaille que vaille- cette page ?
Un lecteur a dit : à un pêcheur d’étoiles.
Une lectrice l’a emportée
dans la paume de sa main.

MON MONDE EN MAI 68

Dorio acrylique toile 150×120 cm

À L’ÉCART

À l’écart et avec maladresse

Tu te lances dans cet exercice d’écriture

Dans ta petite église

Il n’y a ni croix ni bannière

Ni Dieu pour te sermonner

À l’écart et avec maladresse

Tu écris sautillant méditant

Sur l’étrange étrangeté qui t’assiège

Tes lignes passent et repassent

Au croisement de chaîne et trame

Faisant ce texte à goût d’inachevé

Il ne faut pas en faire un drame

COMME SI

Comme si pour qu’un texte soit fort il doit subir avant sa publication beaucoup d’effacements

Comme si pour qu’un texte soit faible il doit couler de source

Comme si un texte sans les mains d’encre qui le portent n’est rien qu’un papier vain

Comme si humainement poétiquement parlant un texte chatgpt est nul et non avenu

CE TEXTE QUI VA SE CRÉER

CE TEXTE QUI VA SE CRÉER mot à mot ligne à ligne sera ignoré de Balzac (comme nous disions en plaisantant naguère) ignoré des zéditeurs des critiques et même (plus étrange je l’avoue) oublié à la longue de celui qui à l’instant essaie tel un enfant qui joue de le mettre à jour c’est le prix des écrits inédits des textes inclassables hors catégorie en somme à condition de prendre l’expression sans prétention à ras de phrases dont on sait d’expérience que ça ne va pas être simple de les maintenir en vie jusqu’au bout d’un temps que l’on dispute à l’horloge d’un smartphone aux aiguilles d’une montre et même au temps dit universel le temps d’écriture d’un feu follet qui entre les pins palpite entre les tombes effaçant un à un les vers patiemment tissés par Valéry mais qui vont repousser ailleurs quand la poésie vieille dame indigne écrit encor un sonnet où les divinités des Humanistes se rebiffent Éros décochant ses flèches malignes sur l’amour toujours l’amour cet enfant de ma Bohème qui s’en va les poings dans ses poches crevées égrenant les dernières rimes d’un poème dont la saveur n’est palpable que dans la bouche et le palais de celle ou de celui qui le donnent à entendre

Martigues 7 avril 2024

DEVANT LA PAGE PERSONNE

DEVANT LA PAGE PERSONNE morceaux tissés d’une attention formelle mais sans se formaliser outre mesure peignant le passage d’un mot à un autre lambeaux cousus d’ontologie héraclitéenne d’atomes dansant la gigue la maclotte qui sautille la marelle terre ciel des petites filles en fleurs au point que ce texte puisse donner l’impression d’un mélange de doctrines diverses d’un doute sur la philosophie qui vraiment le soutient le pinceau qui le peint le pain de seigle d’orge qui le nourrit la pression du noir sur la page jadis blanche…

la pression du noir sur la page jadis blanche 81 hypnographies Dorio 31 mars 2024