LETTRE À UN.E INCONNU.E

Parfois il a pu arriver qu’on s’écrive à soi-même.

Parfois même il nous est arrivé d’écrire aux morts.

Cela n’arrive pas tous les jours, j’en conviens, mais cela peut arriver.

Et il se peut aussi que les morts nous aient répondu,

sous une forme qu’ils sont les seuls à connaître.





Antonio Tabucchi

Si sta facendo sempre più tardi

 Il se fait tard de plus en plus tard





Ni fleurs du mal

Ni fleurs du bien

Mais ces quelques lettres au vent de la nuit

Que je partage avec si peu de vivants

Mais bien des disparus





Le stylo trace ses lignes

Apparemment sans but

Tel un tisonnier avec lequel on fouaille

les braises des mots clés :





miettes, fragments, poussière, imagination,

accents restés dans la voix d’autrui…





Assis devant un livre que je feuillette

Regardant les lumières des bateaux

Sur la passe maritime

Écoutant un raga de nuit





J’écris ces lettres d’Utopie

Dans les eaux mouvantes d’un imaginaire

Toujours toujours à renouveler



	

VERS LA FIN LE POÈTE

La poésie qui se prenait pour la parole en personne
quand elle n'était qu'un filet de voix
dans le tumulte du monde

Gérard Macé
Vers la fin le poète
qui n'a plus à mettre de gant
ni avec sa gloriole - son assurance mort -
ni avec son petit métier :
la recherche de la juste distance
entre le tournoiement des mots
et la caresse du monde

Vers la fin
à pleines mains
ou sans toucher à rien
le voilà qui arrache encore
un peu de terre de son jardin imparfait
les yeux fixés sur la voûte cosmique
et les lèvres buvant à la source
du jour nouveau

Happé
par ce désir de porter
le souffle d'une langue
qui le livrant à l'éphémère
le détache de toute prétention
mais non de l'utopie
présente dans tout poème

(À sauts et à gambades)