
à Jean Jacques Dorio
original
LOIN DE RUEIL ce 24 mars 1945 PRÈS DES MARTIGUES 24 mars 2020
Mon cher Dorio,
Tu viens de naître, je le sais, mais je me suis débrouillé avec le dieu du Temps pour que cette lettre ne t’apparaisse que le jour de tes septante et cinq ans. À l’avance j’en trépigne de joie. Et question java, jour de fête, poésie pas fière pour un sou, j’ai pas d’souci. On t’a fait à la bonne graine, à cinq heures du matin, (c’est marqué sur le livret) d’un printemps retrouvé après cinq ans d’obscurité.
Et pour le reste en ce jour où l’on éprouve ses artères, styles, exercices et tout le bataclan, je me suis fendu de ces quelques vers dont tu feras, à ta guise, complainte, ballade ou chanson grise.
La vie court on ne sait où
Avec ses pattes longues et courtes
Le temps passe on ne sait quand
Mai 68 entre ses dents
La vie remue son R son Q
Chêne et chien Pins et cigales
Le temps JJ lance ton D
Et ses six chiffres qui roulent
Et roulent jusqu’à ta mort
Mais chut en c’jour faut pas l’écrire
La mort n’y mord disait Clément
L’amour nie le jeu d’la mourre
Chantons le jour où nous naissons
Et renaissons en affirmant
Xa va xa va xa va durer encor
Un p’tit bout d’art poétique
Par ci par là et caetera
À toi mon pote ces lignes qui flottent
Et au Virus Couronné de l’éternelle Pouaisie
Ra i grec mond Que n’eau (ter)
Doit on faire la fine bouche devant cette lettre en forme de poème si roborative et brillante et qui à aucun moment ne part en quenouille ? Que nenni!
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Que nenni
Que non
Il dit Queneau
« Les beaux jours s’en vont
Les beaux jours de fête
Soleils et planètes
Tournent tous en rond
Et toi ma petite
Qui marche tout droit
Vers s’que tu vois pas »
Et toi mon frangin
Et toi ma frangine
Cueille cueille et recueille
Les roses de la vie
Sur la mer étale
De l’aube à minuit
Sur l’éternité
La mer en allée
Avec le soleil
Des nuits
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Que dire,
la vie y mord la mort,
à belle dents,
à belles dents,
quand bruit le vent
et le canon de soixante quinze
est notre plus beau canon.
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Et le canon sans baïonnette
C’est le canon des rythmes en fête
Et des rimes assagies
À qui on tord le cou
« Prince! tout ça c’est le chiendent »
Faut l’arracher tant qu’il est temps
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