RESTE-T-IL DU TEMPS ?

En revenant des toilettes du train j’ai repéré le titre d’un livre étalé devant une dame qui somnolait derrière son masque anti Covid : Letemps qui reste de Patrick Boucheron

Le temps qui me reste pour écrire ce roman journal prose cachée qui ira jusqu’au bout sauf accident majeur

Le OUIGO est à l’arrêt en Gare de Lyon Saint Exupery Une jeune fille que je voyais au loin mâchant son chewing-gum frénétiquement a disparu laissant sa place à un homme qui me ressemble : cheveux blancs crâne dégarni fines lunettes Mais il n’écrit pas et n’écoute pas ces plages de be bop enregistrées l’année de ma naissance :

Grovin’high Dizzy Gillepsie 2’44 enregistré à New-york le 28 février 1945

Panama Sydnet Bechet 2’40 New York 24 mars 1945

Dizzy et Parker le fameux Salt peanuts 6’30 New York Town Hall22 juin 1945

(grosse altercation entre deux femmes mère et fille portant le foulard noir et un contrôleur « assermenté » leur dit-il Elles n’ont pas apprécié qu’il les menaçait d’une amende forfaitaire de 150 euros si elles ne bougeaient pas la poussette qui obstrue l’entrée du wagon (elles ont deux bébés jumeaux avec elles) lui les accuse de plus de l’avoir insulté « en arabe »

Dans le Tgv Aix Paris gare de Lyon jeudi 11 janvier 2024 13h54

À L’ÉCART

et là, sans faire aucun bruit, ni dire un mot, être déjà à l’écart.

le roman de 469 pages se termine ainsi, je les ai toutes lues et parfois relues

il avait commencé par une promenade près du château de Montaigne

dans un sentier qu’il appelait l’allée du bout du monde

et maintenant le voilà voué à sa disparition

à la fin toutes ses pages ont perdu leur sens

seule la main qui écrit cette courte recension est toujours avec moi

Martigues 11 janvier 2024

Le titre du roman est Doctor Pasavento (Docteur Pasavento)

et cependant non sono dottore proteste d’une voix traînante son auteur

LES POÈTES MIS EN PRISON

Je m’amuse en rimant
Je rime en m’amusant
Je suis Charles d’Orléans
En prison chez les Anglois
Je suis Marot Clément
Entre les murs du Temple
Pour avoir mangé du lard
Pendant Carême
Je suis Guillaume Apollinaire
Tournant comme un fou
À la Santé pour une sombre histoire
De statues dérobées
Car aiment séquestrer les poètes
Les Assassins de la Poésie
Comme l’immonde Poutine
Qui aujourd’hui en Russie
Reprend les méthodes de Staline
Qui envoya les artistes crever en Sibérie

Martigues 10 janvier 2024

AP0CALYPSE NOW

Mais quel est le sens propre demandent les gens devant les poèmes imagés qui sortent du bois dormant
Dormant et causant à bâtons rompus sur le dos d’un temps enfermé dans des coffrets de santal
Cent ans de solitude et même un peu plus dit le conte à mourir debout au milieu des guerres à répétition
Les gens se figurent que c’est juste une audace de poète ancien qui écrivait d’oreille à Aurélia ses prophéties apocalyptiques
Dans l’hôpital de poupées éventrées dépecées que devient l’épouvantable monde les gens un bandeau sur leurs yeux ont besoin de croire que c’est juste une mauvaise publicité

FICTION OU/ET HISTOIRE VÉCUE : UN VA-ET-VIENT

Ou comment la lecture d’une fiction empêche le quotidien de suivre son cours

C’est une histoire vécue avec un petit scorpion qui me regardait fixement sur le poteau de la case collective des indiens panarés où j’avais fixé mon hamac pour y dormir avec toute la « tribu » une nuit sur les bords d’une rivière du Venezuela C’est l’Histoire avec des mygales de Cortazár que je relis ce soir qui m’y fait repenser Deux narratrices dans la version de l’écrivain fantastique (à tous les sens du terme) finissaient par devenir elles aussi « plus ou moins assassines » après avoir observé ces dangereuses araignées géantes Son histoire se passait dans un bungalow à la Martinique Rien de semblable pour le petit alacrán inoffensif qui venait de réapparaître dans mon souvenir et par ricochet dans mon écriture Les mygales ne font pas des scorpions

Martigues 21 décembre 2023