UNE DERNIÈRE PAGE

C’est la dernière page de ce beau carnet rempli de mots chuchotés à mon oreille et que j’ai accueillis les yeux fermés : le feu, le sable, le corps, le cœur, la nuit, les songes, l’amour, la mer...

J’ai veillé à ce que chacun d’eux  s’insère dans un poème. Comme une forme minimale de rêverie éveillée à l’allure poétique, opposée à la bourrasque des mauvaises nouvelles ( et manières) du quotidien.

Et maintenant nouvelles plages d’écriture, nouveaux pavés, contre vents et marées, il faut continuer.

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AUTRE CARNET

Face à la feuille de papier kraft – mer en deuil sur laquelle je flotte – Il y a la couverture de plastique noir C’est le carnet quatrième qui désormais va tel un crabe être épinglé sur la planche haute de ma bibliothèque Le carnet cinquième – ni tout à fait le même ni tout à fait un autre – s’ouvre sur ce vers inspiré par le poète du Tout-Monde Le laps des ans nous a paru d’éternité. Edouard Glissant 06 octobre 2015

AMATEUR

Amateur c’est aimer

Loin du monde et du bruit

Décliner l’espérance

D’une langue fléchissante

et colorée

C’est aimer le rythme

Et la vibration

Écrits sur la page

D’un papier choisi

Pour son grain

Sa texture

Amateur des misères

Et des facéties

Et des mots jouissifs

Sur les murs du grand Mai

Et tout le reste est littérature

***

Un coupeur de cheveux en quatre un amateur
Qui use d’écharnoir pour tailler son poème
Et la toile émeri pour gratter les hommages


Et d’un vers à un autre halant tous les lecteurs
Des coupeurs de cheveux en quatre des amateurs

ÉCRIRE PARLER SE TAIRE

Écrire n’est pas parler faisant entendre et cris et rires

Écrire n’est pas pleurer à grosses gouttes sur la grand route

Écrire n’est pas plaider la mort du Roi ou l’amour de la Res Publica

Écrire c’est la plupart du temps  rester sans voix

Se taire

*

RAISONS DE PARLER Parce que nous avons été enfant Avant que d’être homme Parce que nous avons aimé le combat entre la Barbe Bleue et Shéhérazade Parce que nous avons voulu prouver l’innocence de Dreyfus et des jeunes filles en fleurs Parce que nous aimons causer comme Zazie dans le métro Parce que nous aimons tutoyer Mesdames et messieurs Ceux qui parlent pour ne rien dire Et celles que nous aimons pour l’éternité

RAISONS DE SE TAIRE Caute Méfie-toi écrit Spinoza Fais gaffe On va te reconnaître sous ton ortografe des murs de Mai Tes pseudos Tes secrets d’un Momo qui peigne la girafe Tes paroles en l’air Tes pastiches de Marseille ou de Caen À quand le secret du temps retourné à un futur cette erreur d’éternité

À L’ÉCART

À l’écart et avec maladresse

Tu te lances dans cet exercice d’écriture

Dans ta petite église

Il n’y a ni croix ni bannière

Ni Dieu pour te sermonner

À l’écart et avec maladresse

Tu écris sautillant méditant

Sur l’étrange étrangeté qui t’assiège

Tes lignes passent et repassent

Au croisement de chaîne et trame

Faisant ce texte à goût d’inachevé

Il ne faut pas en faire un drame