J’AIME LES MOTS

Les mots il suffit qu’on les aime
Pour écrire un poème

Raymond Queneau


J’aime les mots sauvages
(et les sauvageons)

J’aime les mots fougères
(fou j’erre en eux)

J’aime les mots légers
(les geais buissonniers
à la tête bleue)

J’aime les mots sans têtes
(comme les alouettes)

J’aime les mots mutins
(et badins)

J’aime les mots sereins
(et leurs larmes de lune)

J’aime les mots de hasard
(cous d’oies ou coups de dés)

J’aime les mots secrets
(qui se créent la nuit
En silence)

J’aime les mots
Qui nous inventent

j’aime les mots (par une voix inconnue)

RAISONS D’ÉCRIRE LIRE PARLER SE TAIRE AIMER HAÏR

RAISONS D’ÉCRIRE   S’autoportraiturer Se déplacer D’un moi au je Se prendre au jeu Laisser entrer L’autre monsieur L’autre madame Fraternité Sororité D’un moi au nous Des mots qui nouent Ce que l’on croyait Indicible Impossible à dévoiler Sur une carte Un bout d’papier D’écran d’clavier Raisons d’écrire en boucle d’éternité

RAISONS DE LIRE S’asseoir Pour se soulager Dans le cabinet de Lecture Fréquenter l’enfer de la BNF Les cent mille verges La maison de passe de Marcel Les odeurs de papier Des premiers livres de poche Se livrer Aux pages vierges et vivaces du Bel Aujourd’hui Et aux poèmes décadents de Jadis et naguère Se saouler de Complaintes et de Correspondances Prisée par tout lecteur Sous l’espèce des yeux Contemplant son éternité

RAISONS DE PARLER Parce que nous avons été enfant Avant que d’être homme Parce que nous avons aimé le combat entre la Barbe Bleue et Shéhérazade Parce que nous avons voulu prouver l’innocence de Dreyfus Et des jeunes filles en fleurs Parce que nous aimons causer comme Zazie dans le métro Parce que nous aimons tutoyer Mesdames et messieurs Ceux qui parlent pour ne rien dire Et celles que nous aimons pour l’éternité

RAISONS DE SE TAIRE Caute Méfie-toi Écrit Spinoza Fais gaffe On va te reconnaître Sous ton ortografe Tes pseudos Tes secrets d’un Momo Qui peigne la girafe Tes paroles en l’air Tes pastiches De Marseille ou de Caen À quand le secret Du temps retourné À la source cachée Sub specie æternitatis

RAISONS D’AIMER Si on commence à faire la liste de toutes les raisons d’aimer C’est qu’on n’aime plus
RAISONS D’HAÏR De H la grande hache de l’Histoire à ÏR ce refus spinoziste de la Grand’Ire !


les raisons voix passante

AIMER son jardin imparfait

L’amour aussi bien que le feu ne peut subsister sans un mouvement continuel ; et il cesse de vivre dès qu’il cesse d’espérer ou de craindre. 

François de la Rochefoucauld

AIMER




Aimer Aimée. Aimer mémé poussée dans les orties. Aimer les ortolans. Aimer les longs moments où je vous regarde. Aimer la jeune garde. Aimer Titi. Aimer Merleau-Ponty. Aimer la nuit. Aimer la clocharde céleste. Aimer Shakespeare. Aimer l’oiseau-lyre. Aimer Marbeuf et Rutebeuf. Aimer la chanson des Amours de Cassandre. Aimer la pensée sauvage. Aimer le miel et les cendres. Aimer l’art brut. Aimer le conatus. Aimer persévérer. Aimer l’alouette avec son tire-lire. Aimer l’arc et la lyre. Aimer le doux zéphir. Aimer la môme Néant. Aimer l’ache et le serpolet. Aimer improviser. Aimer le temps des cerises. Aimer sa première chemise. Aimer ses taches de rousseur. Aimer Stéphane Mallarmé. Aimer ses lèvres et ses livres. Aimer sa main dextre et sa main senestre. Aimer les devinettes. Aimer les anagrammes et les androgynes. Aimer les chanterelles. Aimer les petits cris des hirondelles. Aimer Anne Sylvestre. Aimer les Symbolistes. Aimer faire des listes. Aimer ses bas et ses hauts. Aimer sans coup férir. Aimer les quatre cent coups. Aimer les exercices de style. Aimer le bon grain et l’ivraie. Aimer l’imprévisible. Aimer Mozart ma non troppo. Aimer les rimes de Germain Nouveau. Aimer Pierrot sous la lune. Aimer pour de semblant et pour de vrai. Aimer son jardin imparfait.





J’AIMERAIS MIEUX PAS





J’aimerais mieux pas t’écrire poème

Il fait trop triste dans mon cœur
Et trop de morts en moi se meuvent





J’aimerais mieux pas

Mais voilà c’est le paradoxe

Le premier vers hardi se pose

Sans que je l’y invite

Sur cette page qui se défend

Mais n’en peut mais





J’aimerais mieux pas j’aimerais passer

Mais comme une mécanique

Ma main magnétique continue

À Dada sur mon papier





Lors me retrouve bon gré mal gré

Poète dépourvu incapable d’interrompre

Ce labeur contrefait*





Et puis flûte ! Réflexion faite

Je dois à mon grand dam le constater

En faisant à contre cœur ce poème

Tristesse et douleurs ont passé





Il était temps de l’avouer





*allusion à Clément Marot

prince des Poètes





AIMER LA POÉSIE





Aimer la poésie…

et tout le reste est littérature

 Aimer Orphée

le luthiste apollinaire

 Aimer le rythme

la chanson des neuf cordes

Comme s’il y avait

une beauté du monde

qui vient et va

et que traduit

– tant bien que mal –

la mélodie contrariée

de ce poème





AIMER L’UTOPIE

AIMER ALLER ARTISAN ASTÉROÏDES AUJOURD’HUI BABELS BOOMERANG BIOGRAPHIE BLOG BOURRU CARNETS CHEMIN CHUTES COUTEAU  DANGER DÉDICACES DIABLE DORIO EFFLEURER ÉNIGME ESSAI EXIL FANTAISIE FÉTUS FRAGMENTS FRONT GAMMES GNANGNAN GRAINS GRATUIT HAÏKU  HOCHET MANIÈRES MARTIGUES MÉMOIRE MOINEAU MORT MYTHES NON-DIT   PAIX PALET PALIMPSESTE PARADIS PARADOXE PASSAGERS PASSER PASSEUR PENSER PHRASE POÈME POÉSIE POÈTE POINÇON POLYPHONIE PUCES QUE SAIS-JE RATÉ RÉALITÉ ROSIER SABLE SILENCIAIRE SOUFFLEUR SUJET TEMPS TRACES UTOPIE

JEAN JACQUES DORIO





TÂCHONS D’Y VOIR CLAIR

Plutôt que de soutenir ce que l’autre rejette

 et de rejeter ce que l’autre soutient,

tâchons d’y voir clair.





Tchouang Tseu

(traduction JF Billeter)





PASSAGERS ÉPHÉMÈRES

Passagers éphémères de la planète Terre

Ronde du temps où nos pas sont comptés


Mais le lecteur qui aime les poèmes

Prolonge leur danse et leur durée

doriojeanjacques@gmail.com