LE LAPS DES ANS NOUS A PARU D’ÉTERNITÉ

898 AU CREUX DE LA NUIT Ocre océan Où les voix des poèmes Ondulent En lettres blanches Sur fond noir Avec les dés Qui sonnent dans nos têtes Les Correspondances Des sons et des sens Et le grand écart de l’Unité Futur : Erreur d’éternité  Michel Leiris

899 LE CARNET SE TERMINE Face à la feuille de papier kraft – mer en deuil sur laquelle je flotte – Il y a la couverture de plastique noir C’est le carnet quatrième Qui désormais va tel un crabe Être épinglé Sur la planche haute de ma bibliothèque Au détour des nuits Le carnet cinquième – ni tout à fait le même ni tout à fait un autre – S’ouvre sur ce vers inspiré Par le poète du Tout-Monde Le laps des ans nous a paru d’éternité. Edouard Glissant 06 octobre 2015  Carnet des nuits IV du  11 août 2015 page 405 au 06 octobre 2015 page 571

900 LE LAPS DES ANS NOUS A PARU D’ÉTERNITÉ Edouard Glissant Lapant le lait des Chats sauvages Pinçant les cordes d’Apache sur une guitare branchée sur la fée Électricité Une à une nous avons pendu les vieilles araires au clou Elles geignent au vent d’autan Le Progrès depuis belle lurette a fermé son étable sur le dernier des paysans L’éternité danse le rock and blues

LE BAL À LUBAT

J’ai peur que nous ayons les yeux plus gros que le ventre et plus de curiosité que nous avons de capacités : nous embrassons tout, mais nous n’étreignons que du vent. Michel de Montaigne

LE BAL À LUBAT J’ai assisté à son premier Uzeste musical Mais surtout j’ai vécu le Chateauvallon 1976 avec ses potes Portal (aux saxophones), Beb Guérin (qui devait se pendre un jour aux cordes de sa contrebasse) et Francioli.  Lubat, multi-instrumentiste comme dit la pochette, entrait sur scène avec un tas de poêles à frire étalées sur la scène, qu’il se mettait consciencieusement à rosser (y compris quelques tapes amicales) Il avait dû piquer les padènes (nom occitan) à sa maman gasconne (la mienne plus langue d’ocienne y faisait cuire la sanquette du dernier poulet qu’ils venaient de saigner avec mon paternel) Maintenant Lubat, c’est l’âge peut-être (né en 45 comme mézigue) il dépote à plein tube envoyant dans les cordes les petits djeuns qui font du piano comme des clones Tous (et toutes ?) les mêmes Tous excellents sur le papier mais secs en public comme des types (et des typesses ?) qui n’ont rencontré aucun obstacle dans leur vie Bon si l’on rembobine Lubat en 70-72 il intervient sans trop piger le truc chez les dingos de La Borde dans le cadre qui n’en est pas un de la psychothérapie institutionnelle (sic) crée par Jean Oury à 15 km de Blois dans un château entouré d’un bois où les loups les fous pouvaient se balader en écoutant des ballades jazzées (pour une demande d’admission le patient peut lui-même adresser un courrier pour dire ce qui lui arrive et ce qu’il attend d’un séjour à la clinique)  Dans cette cli(ni)que-là le Jazz improvisé faut croire que ça donnait des idées aux (im)patients incertains quant à la place de leur cogito De même qu’aux musiciens en herbes secouées de vents incertains mais non de touches de piano ou d’accordéon (chromatique ou diatonique ?) Alors donc Lubat au détour cette interviouve de 6 pages en A4 (Pratiques 2023 : improvisation/ incertitude/ doute/jeu/création/invention/pensée/rencontre/résistance/singularité/subjectivité/subjectivation/intersubjectivité/objectivité) fait maintes citations dont celle, en commençant d’une d’André Benedetto « L’obstacle comme lieu de passage » Un soir je l’ai rencontré à Port de Bouc avec les Cocos du chantier naval qui venait de fermer laissant une plaie béante après un demi-siècle d’activités Je l’ai exfiltré pour l’amener dans notre logement déguster un foie gras fait maison par ma mère Suzanne (elle ne se contentait pas d’élever poules et lapins) On est allé au balcon sous la lune de Paradis Saint Roch et nous nous sommes racontés nos origines familiales populaires et cocasses Après l’homme du théâtre des Carmes, Lubat cite Glissant glissant sur le méli-mélo-mélée (de rugby) d’ « une poétique de la relation » (c’est un peu ronflant, non ?) Chargeant au passage le bouc émissaire Macron Avouant malgré tout que lui aussi est l’invité (il ne dit pas à quel prix) du Conservatoire de Paris pour faire tourner des « ateliers d’improvisation générative » (sic) Ça doit pas être coton si l’on en croit les questions qu’il pose (et se pose encore un peu à lui-même, je suppose) -Qu’est-ce que vous foutez là ? Vous venez pour vos oreilles ou pour votre oseille ?  Le bal à Lubat ça tourne mal à cet instant où : Je pense que l’art n’a jamais été aussi dans la merde Je pense qu’on ne joue plus. On répète on simagrée. Je simagrée, tu simagrées (de canard !) La suite c’est quand même plus coton,en particulier, après avoir rappelé, quand même, ce qu’il doit (non apparemment il doit rien à personne) à Michel Portal et à Claude Nougaro, il évoque une collaboration (mais on ne sait pas laquelle) avec Luciano Berio. Ça c’est mon terrain de jeu, si je (que je manifeste pour la fois première) puis dire. Berio 68 comme Mai, comme la Sinfonia, sa grande partition-collage de Malher, Schömberg, la valse de Ravel, l’Agon de Stravinsky, l’inévitable (à cette époque) Stockausen. Collage ô mon collège de vacarmes et d’heures perdues à recoller les morceaux de culture générale O King O King O Luther O Martin O l’assassin du rêve du pasteur assassiné ce 5 avril de 68 (le jour des vingt-trois de Cohn-Bendit) Et puis au début de la Sinfonia Il y avait il y avait il y avait une fois un indien un indien à la chasse les frères les frères les Pléiades (le chemin des indiens morts qu’avec mon compère Michel Perrin nous suivions sur le territoire de Goajira en décembre 68 précisémment) ce mythe nous retiendra très longtemps Et clac je referme mon Steinway ce 10 avril 2023 Merci Lubat Merci copain Alain qui m’a envoyé l’interviouve et merci Sophie qui va jazzmagaziné tout ça

DORIO 10 AVRIL 2023

CE QUE J’APPELLE PARLER

CE QUE J’APPELLE PARLER c’est ouvrir un autre parler -disait plus ou moins Montaigne- qui aussi faute de mieux parlait au papier Parler de ce qu’il ne faut taire Terre et ciel Marelle Viens rêver l’envers des discours terrassants voués à ce rhinocéros des syllogismes mortels Parler de nos instants que l’on croyait perdus Concevoir énoncer le choix des mots soleils des nuits Parole pétillante qui vient à la fin nous bluffer Ouverte à la fin de cette petite page (format 110 mmx165) Ouverte à un autre parler Plaisir en soi de s’être parlé Appuyés sur l’inconnaissance (une formule de Tchouang-tseu)

écrit tel quel JJ Dorio nuit du 10avril 2023

DIX MINUTES AVANT MINUIT

DIX MINUTES AVANT MINUIT quoi je vais pondre pour ma 6 millième intervention sur le blog poésiemodedemploi ? (ouvert le 8 janvier 2006 : un poème par jour, écrit chaque nuit)) quoi je vais musiquer lexiquer dramaturgiquement faire exister Huit minutes avant minuit : sens et contre-sens comment écrit-on quand on fait de la poésie de personne au carrefour des marginalités et des pensées sauvages qui ont en horreur le cogito ? Cinq minutes avant médianoche cinq petits leurs culs en rond misère regardent le boulanger faire le lourd pain blond trois minutes avant minuit je suis absorbé par l’activité d’écriture à la pointe fine et par son incompatibilité avec la pensée qui s’énonce clairement Et voilà 00.00 c’est ainsi que s’affiche minuit deux zéros suivis de deux zéros séparés par un point un point inutile pour ce texte (ce commencement qui n’en finit pas) interdit à ceux et celles qui en lisant projettent leurs idées toutes faites passage du 3 avril au 4 avril 2023

TROIS DIALOGUES INTÉRIEURS

QUESTION SANS RÉPONSE

-Si quelqu’un répond à ta question, c’est qu’il n’a rien compris.

-Mais quelle est la question, je ne m’en souviens plus ?

-Mieux vaut la laisser en suspens, tu ne crois pas ?

-Non, je préfère que tu me la rappelles.

-J’en ai deux à toi de choisir.

-La deuxième.

-Pourquoi y-a-t-il quelqu’un plutôt que personne ?

-J’ai compris.

dialogue intérieur XXV

CREVER

-Sauf si je crève d’un coup, je tiendrai bon jusqu’à mon dernier vers, me dit le poème.

-Mais t’es pas un pneu quand même, lui réponds-je.

-Mais non crever, je veux dire clamser, casser sa pipe, aller ad patres, mourir quoi !

– Ah ! bon ce regain de vocabulaire me rassure, tu n’es pas prêt encore de rouler sur ta jante.

dialogue intérieur XXVI

SE GRATTER LE NEZ

-Là je dois avouer que je n’y arrive pas. Un quart d’heure au moins que je me gratte le nez et le poème n’en sort toujours pas.

-Essaie les trous.

-Mais ça va saigner !

-Mais bien sûr, un poème Faut qu’ça saigne !

Dialogue intérieur XXVII