UNE PROSE ENDIMANCHÉE





J’ai tourné et retourné sept fois la langue dans mon songe, tant et tant que je l’ai effacé. Et je suis là dans mon lit de réveil, la tête vide, sans images, après ce premier somme.

Dans un quart d’heure samedi va basculer vers ce jour où enfants on nous endimanchait.

Lors, il était interdit de marcher dans le ru, de bleuir ses doigts à la haie de mûres, de jouer au béret dans la fange du pré.

Comme souvent, mais à condition que l’on ait son cahier de nuit prêt à accueillir l’encre d’une plume, le vide créé dans ma caboche m’a permis, après un long temps de quasi hébétude, de faire émerger ses images d’un paradis enfantin que l’on croyait perdues.

Ma prose maintenant est passée, je peux refermer le cahier.





passage du 19 au 20/12/2020

Un ajout

Moi et Soi

Cette histoire de soi qui s’écarte de moi, ce n’est pas que dans les livres. Je me réveille d’un court somme, (le premier de la nuit), avec la sensation d’une conscience paradoxale : je ne sais plus l’espace d’une seconde, où j’habite, quel jour on est, quelle est mon identité…Ça pourrait semer le doute, ça me donne l’énergie venue de ce courant mystérieux « antérieur à la connaissance ».

TU TRAVAILLES DU CHAPEAU

à Alain Gerber,

tu travailles du chapeau me disait ma mère mon père portait le béret et dans les fêtes paysannes où chacun.e y allait de son petit chant « le béret » était la chanson qu’on lui réclamait elle était interminable* mais il se faisait un plaisir de la mimer et on l’applaudissait je l’ai porté un temps à Arreau Hautes Pyrénées où je faisais le prof un peu comme provocation mais je manifestais ainsi mon naturel issu de culture et de contestation j’avais aussi les longs cheveux et la barbe des barbudos comme un sauvage paisible et bucolique je me souviens qu’un soir à Caracas où je faisais avant Arreau ma coopé un bistrotier m’a comparé au fameux Papillon qui avait écrit cette histoire de bagnard échappé de Cayenne passé soi-disant par la Goajira un roman qui fit grand bruit chez les germanopratins –ils s’esbaudissaient devant un chef d’œuvre de littérature orale – Charrière puisqu’il faut l’appeler par son nom avait un bar à filles à Caracas où j’entendis dire que le patron était loco de piedra « comme une pierre folle » mais que moi c’était plutôt la folie douce « quand mon père regarde au fond de son chapeau il ne trouve toujours pas les mots qu’on cherche » je recopie l’incipit d’un roman** que personne ne reconnaîtra sauf l’auteur qui hélas ne lira pas mon petit fragment que toutefois je lui dédie

*Moi mon chapeau je le mets dans ma poche  Je suis gascon et porte le béret

**Une rumeur d’éléphant