LA PAGE NE DOIT PAS ÊTRE DÉÇUE DE TON PASSAGE ÉCLAIR
La nuit dormait je la réveille
D’un poème écrit il y a cinq ans
Cinq ans : un lustre
Non le luminaire suspendu au plafond
(Tire lui la queue
Il pondra des œufs)
Mais la période de cinq ans
Oubliée par la plupart des causeurs de langue française
depuis belle lurette
La nuit dormait je la remets
Sans trop insister sur les rails
D’un cahier d’écolier « Haute Ligne »
Cette page attendait se croyant abandonnée
J’espère qu’en la couvrant de mes signes
Je ne l’ai pas déçue
Je n’avais fils de cultivateurs aucun livre à l’entour
qui m’invitait à singer l’autre culture, la livresque.
– Et donc… ?
– Et donc mes premiers textes écrits à main de plume (gauloise ou sergent major)
ce furent ceux recopiés sur mon cahier de « Récitations » :
la fable du Corbeau et du Renard, Automne d’Apollinaire,
et le Matin des Étrennes de Rimbaud.
– Ah ! maintenant ça me revient.
Et sur l’autre page on en faisait un dessin colorié.
-Toujours maladroit, mais comme une promesse
d’aurores futures.
Dialogues intérieurs II
Invitation à contribution
Nous survenons en quelque sorte, au beau milieu d’une conversation qui est déjà commencée et dans laquelle nous essayons de nous orienter afin de pouvoir à notre tour y apporter notre contribution.
Sur ce cahier d’écolier, les titres occupant la marge, sont comme une entrée aimantée. Et pourtant, pour le vieil écolier qui les imagine, ça n’a rien d’évident. Une fois écrits, il ne sait plus bien à quel fragment les raccrocher. Il aimerait d’ailleurs souvent abandonner, arguant de la vieille utopie qui voulait laisser le lecteur continuer, à sa manière, la poésie faite par tous et par chacun.e. À condition, tout de même, que ce soit sur un cahier d’écolier.
CITATIONS
Accumuler mille et une citations. Cette nuit celle d’un Basile (de Césarée), évoquant la complicité d’un vrai lecteur avec le travail des abeilles. Mais sous la citation recopiée, je ne donne jamais le nom de l’auteur.e qui pourrait induire un sens préétabli. (Après le corpus, je le rappelle cependant.) Ce que à quoi je m’astreins, par contre, c’est d’écrire quelques mots pour préciser la cible ou l’objet de la citation. Ainsi pour « citation » :
1 texte tissu réseau d’écritures et de citations 2 une œuvre enfilant les citations 3 pièces empruntées dont chacun fait son miel 4 de la citation aucune définition n’est possible 5 se citer soi-même : « Si on ne se citait pas quelquefois soi-même, qui donc le ferait jamais ? »
ENCYCLOPÉDISME
Si, dans un premier temps, on prend plaisir et goût à cette accumulation de faits, d’idées et de théories en transformation constante, on n’oublie pas l’apprentissage en miroir, celui « d’apprendre à ignorer et à douter. » Raymond Queneau
COLLAGE
« Se daba cuenta de que, más que escribir un libro, lo que estaba haciendo era componer un collage hecho de centenares de páginas de citas, de fragmentos de libros, de apuntes esbozados que no tenía tiempo para desarollar. » Antonio Muñoz Molina (Un andar solitario entre la gente)
Il se rendait compte, que ce qu’il était en train de faire, bien plus qu’écrire un livre, était de composer un collage fait de centaines de pages de citations, de fragments, de notes ébauchées qu’il n’aurait pas le temps de développer. (ma traduction, comme on dit).
Une encyclopédie flottante et galopantetexte en cours
manuscrit premier jet « comment expliquer que l’abeilleprivilégiée des poètes se retrouve un jour au chômage? »pratique améliorée du COLLAGE – l’esprit encyclopédique sait qu’il faut apprendre à ignorer
J’ai tourné et retourné sept fois la langue dans mon songe, tant et tant que je l’ai effacé. Et je suis là dans mon lit de réveil, la tête vide, sans images, après ce premier somme.
Dans un quart d’heure samedi va basculer vers ce jour où enfants on nous endimanchait.
Lors, il était interdit de marcher dans le ru, de bleuir ses doigts à la haie de mûres, de jouer au béret dans la fange du pré.
Comme souvent, mais à condition que l’on ait son cahier de nuit prêt à accueillir l’encre d’une plume, le vide créé dans ma caboche m’a permis, après un long temps de quasi hébétude, de faire émerger ses images d’un paradis enfantin que l’on croyait perdues.
Ma prose maintenant est passée, je peux refermer le cahier.
passage du 19 au 20/12/2020
Un ajout
Moi et Soi
Cette histoire de soi qui s’écarte de moi, ce n’est pas que dans les livres. Je me réveille d’un court somme, (le premier de la nuit), avec la sensation d’une conscience paradoxale : je ne sais plus l’espace d’une seconde, où j’habite, quel jour on est, quelle est mon identité…Ça pourrait semer le doute, ça me donne l’énergie venue de ce courant mystérieux « antérieur à la connaissance ».