SELON SELON

Selon Saussure, le linguiste genevois, le premier homme à porter un chapeau disait, le mot n’existant pas, qu’il avait sur la tête un corbeau.

Selon l’ethnologue Michel Prin, le rituel de fin de vie des Caribé se déroule ainsi.L’indien piqué à l’index et saignant abondamment, est plongé dans le Rio Cuchivero. Les piranhas se chargent alors de le transformer en un squelette dansant son ultime gigue.

CENTON

Le chapeau à la main il entra du pied droit 
Dans les grandes villes pleines de murmures
Parfois le passereau y perdait son patois
Il entra dans un bar en longueur
Tel un serpent aux roses lueurs
Flottant épave inerte au gré des flots houleux
Il prit son crayon gris sur sa table écrivit :
Je dirai Passe oh va ma vie Ne fais pas de vieux os
Et puis dit au garçon Victor apportez-moi
S'il vous plaît mon pernod

CENTON
Pièce faite de fragments d’étoffes rapiécés, si l’on veut. Ou bien l’étoffe se transforme en textes divers puisés dans les anthologies et que l’on « colle » l’un après l’autre. Des ajoutages lit-on dans les notes accompagnant les paragraphes mis bout à bout, d’une œuvre qui n’en finit pas d’être rafistolée.
C’est l’art de nous rendre heureux par l’écriture de textes faits à la main avec des mots puisés dans les mots de livres le plus souvent épuisés.

JE ME SOUVIENS… MAIS J’AI OUBLIÉ

Agenda 12 au 18 avril 2021



Lundi 12/04/2021

 Je n’ai plus d’accords Je n’suis plus d’accord Avec mes chansonnettes Elles ont disparues Au coin de ma rue Et je suis resté…bête Le doux caboulot Plein de populo Les amis les amours mortes Chansons malaimées Chansons oubliées Que le diable les emporte

Mardi 13/04/2021

Je me souviens de ma première auto, une deuch, mais j’ai oublié où et quel jour je l’ai prise en main pour la première fois.

Mercredi 14/04/2021

 Je me souviens du professeur de mathématiques de l’école normale d’instituteurs d’Auch. Il avait été « gazé » en 14-18, ce qui occasionnait parfois des quintes de toux qui l’obligeaient à sortit précipitamment   de la salle de classe, mais j’ai oublié le nom de ce brave homme. 

Jeudi 15/04/2021

Je me souviens du corridor derrière la porte de la cuisine et devant la porte qui donnait sur l’étable des vaches et de la paire de bœufs nécessaire aux labours, mais j’ai oublié dans quelle arène j’ai assisté à ma première corrida et encore plus le nom des matadors d’alors. 

Vendredi 16/04/2021

Je me souviens des processions du « mois de Marie », des autels qui étaient dressés dans certaines rues du village pavées de fleurs, mais j’ai oublié pourquoi une année tout s’est arrêté.

Samedi 17/04/2021

Je me souviens que pour mes 20 ans, étudiant à Toulouse, je m’suis payé un beau chapeau, comme chantait Distel, mais j’ai oublié ce qu’il est devenu ; je ne l’ai pas mangé, mais il a disparu.

Dimanche 18/04/2021

Je me souviens du soufflet de forge de mon arrière-grand père Vidal, qui était forgeron ; il était immense par rapport au petit soufflet que l’on actionnait pour raviver les flammes de notre cheminée. On appelait ce dernier lé buffet (prononcer comme « fête »), qui venait de l’occitan bufa, « souffler » ; ça je ne l’ai pas oublié.

TU TRAVAILLES DU CHAPEAU

à Alain Gerber,

tu travailles du chapeau me disait ma mère mon père portait le béret et dans les fêtes paysannes où chacun.e y allait de son petit chant « le béret » était la chanson qu’on lui réclamait elle était interminable* mais il se faisait un plaisir de la mimer et on l’applaudissait je l’ai porté un temps à Arreau Hautes Pyrénées où je faisais le prof un peu comme provocation mais je manifestais ainsi mon naturel issu de culture et de contestation j’avais aussi les longs cheveux et la barbe des barbudos comme un sauvage paisible et bucolique je me souviens qu’un soir à Caracas où je faisais avant Arreau ma coopé un bistrotier m’a comparé au fameux Papillon qui avait écrit cette histoire de bagnard échappé de Cayenne passé soi-disant par la Goajira un roman qui fit grand bruit chez les germanopratins –ils s’esbaudissaient devant un chef d’œuvre de littérature orale – Charrière puisqu’il faut l’appeler par son nom avait un bar à filles à Caracas où j’entendis dire que le patron était loco de piedra « comme une pierre folle » mais que moi c’était plutôt la folie douce « quand mon père regarde au fond de son chapeau il ne trouve toujours pas les mots qu’on cherche » je recopie l’incipit d’un roman** que personne ne reconnaîtra sauf l’auteur qui hélas ne lira pas mon petit fragment que toutefois je lui dédie

*Moi mon chapeau je le mets dans ma poche  Je suis gascon et porte le béret

**Une rumeur d’éléphant