MAIS D’OÙ TU PARLES ?





À pas de chat, je me glisse dans la conversation infinie transmise par un petit livre bleu (pour la couverture), comme « un bleu », qui ayant l’illusion d’y participer, se laisse porter par le courant de sympathie qui en émane.

Je me souviens de la formule rituelle de Mai 68, où dans une ville sans auto, on causait à tout le monde dans des assemblées de fortune, aux quatre coins des rues, des places, des amphis. Il n’y avait pas un intervenant à qui on demandait, tout de go : Mais d’où tu parles ?

Je parle d’un lieu mystérieux à plus d’un titre, une chambre aux murs blancs, traversée d’ondes venues du royaume « des voix chères qui se sont tues ».

Je parle dans ma tête avec les vivants bien vivants, avec qui nous échangeons nos écrits et chuchotements, nos annonces, nos petites nouvelles du front de mer, où passent et repassent pour l’éternité, les jeunes filles en fleurs.





italiques : Verlaine, Marcel Proust.

(UN DICTIONNAIRE À PART MOI) texte en cours

MAIS D'OÙ TU CAUSES? 

MAIS D’OÙ TU CAUSES Quichotte  Don Quijote ? /en un lugar de cuyo nombre no quiero acordarme /(bis)Mais d’où tu parles Charles ? de quelque part comme on disait à l’époque qui prenait feu de toute  part Mais d’où tu jactes Jean Jacques ? : mais du pavé et du ruisseau Rousseau /où passe (ter) mon beau navire ô ma mémoire Avons-nous assez navigué Dans une onde mauvaise à boire Avons-nous assez divagué De la belle aube au triste soir au bord de l’agonie /ô ma folie (bis) Mais d’où tu cornes tes gazelles tes licornes sorties des grimoires entassés dans l’armoire de hêtre et d’où tu dictes tes paradigmes perdus des champs de magnésie ? Mais en ce lieu d’utopie Lily /dont le nom m’échappe à jamais (bis)

INFIME CONTRIBUTION À UNE CONVERSATION SANS FIN

« Nous survenons en quelque sorte, au beau milieu d’une conversation qui est déjà commencée et dans laquelle nous essayons de nous orienter afin de pouvoir à notre tour y apporter notre contribution. »

Paul Ricœur

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Impro du soir À l’heure où l’oiseau de Minerve prend son vol nous voilà peuplant notre solitude d’écritures folles en profitant de l’énergie donnée par la chaîne musicale Mezzo Après le concert pour violon de Beethoven que l’on écoute sans le regarder tant le soliste fait de mimiques Nous plongeons dans la rediffusion d’un concert de djazz où les notes et les oreilles se libèrent des semelles de plomb On voit alors et l’on écoute tout ouïe le pianiste Léo Genovese barbe d’un rabbin exégète  cheveux frisés et mains qui se croisent Esperanza Spalding la contrebassiste qui joue comme en extase  – Esperanza Esperanza yo no puedo bailar tchatchatcha – Jack De Johnette à la batterie que tous les fervents de Keith Jarret connaissent et Joe Lovano soufflant dans son sax comme souffle souffle la baleine blanche de Melville Impro du soir aux couleurs des confins d’un monde inédit où l’on jouit des musiciens grâce au cercle ouvert par les nouvelles technologies – l’écran plat du salon et l’écran de cet écrit où se joue notre texte bri-collé comme une partition – tout en dégustant une dorade cuite sur la plancha à la sal gorda et qu’un pêcheur de l’étang de Berre a sorti ce matin devant nous de ses filets On dirait On dirait On en dirait tant On dirait le temps en suspens Ô lac On dirait Ulysse rentrant à Ithaque et ne sachant pas que Pénélope est morte On dirait Orphée revenant des Enfers qui donne sur sa lyre une dernière ode aux  heureux mortels Accrochez-vous au poitrail à la gorge pourpre et aux ailes d’or de l’oiseau Phénix mourant et renaissant et Prenez soin des livres des disparu.e.s qui  dorment dans vos bibliothèques et qui attendent d’être réveillé.e.s et réinterprêtés par les musiciens d’un soir et les aèdes aveugles qui ne sachant plus trop sur quel pied danser sans voir donnent les noms et sans marcher progressent comme disent deux vers traduits de Lao-Tseu…nous n’irons pas plus loin