L’AUBE GRISE L’AUBE BLEUE













un poème écrit
à l’aube de ce jour
29 mai 2020
en vers trisyllabiques
dit par son auteur


L’aube grise
l’aube bleue
la méprise
Lao-Tseu

La douleur
retenue
la douceur
ingénue

Le travail
d’écriture
Hokusaï
la Nature

La souffrance
le remords
le silence
de nos morts

L’aube rouge
le vin noir
à Montrouge
chez Nadar

La pitié
la manière
psalmodier
Baudelaire

Le passage
d’un poème
dans la marge
où l’on aime
le langage
des promesses

(trisyllabes du mois de mai 2020)








mis en chanson
jj dorio

SILLONS TRISYLLABIQUES

année 2020

dite des devins

indication :

lire des yeux puis de la voix  ces textes écrits en trisyllabes

le lecteur idéal laisse le texte capter tout son présent          

n’oubliez pas les diérèses.

Janvier

PAROLES SANS ROMANCES TRACÉES À LA POINTE FINE

Il ne sert  à rien  d’expliquer  Dorio  dans le texte  Dorio  n’exist’pas  mais il trace  des sillons  en passant une araire  pointe fine  va et vient  de paroles  sans romances  Il ne sert  à rien  sur la page  des fragments qui se perdent  roue errante  d’une main  du tressage  sans dressage La sibylle  peut bien rire les idylles  et rondeaux  s’en aller  Je persiste  et je signe

Février

SOLITAIRES SOLIDAIRES DES RAISONS ET DES RIMES

Février  découpé  en vingt neuf  vers sans rimes  à jets d’encre  sur la page  puis clavier  pour l’écran Février  cette année  apporta corona  un virus  une grippe  pas d’Espagne  mais de Chine  Tchin tchin tchin Qu’opposer  à la mort  si ce n’est  la richesse  d’exister  avec et pour  nos semblables  solitaires  solidaires des raisons  et des rimes chuchotées

Mars

POÈMES DE COVID EN RÉA POÉTIQUE

Tout oublier phrases cul par-dessus gentillesse tout ouvrir à ton bic laissé seul sur la page Mon hôtesse tout futur enjambant passerelle au-dessus de l’abîme Tout connaître du regard des mourant.e.s à la douane du grand soir Tout écrire en réa poétique des poèmes de covid des patient.e.s aimables qui sourient avant de trépasser Tout ainsi qui passa

Avril

FANTAISIES D’INSOMNIES

Connerie c’est la guerre tragédie c’est Corneille Tu l’as dit c’est Bouffi comédie c’est Molière c’est parti mon kiki ouistitis c’est au zoo ou c’est pour la photo ‘piphanie dans le gâteau des rois hélianthes tournesols du Midi Tout ceci je l’écris dans mon lit d’insomnie que la vie est amère dit ma mère qui s’endort Bonne nuit

INFIME CONTRIBUTION À UNE CONVERSATION SANS FIN

« Nous survenons en quelque sorte, au beau milieu d’une conversation qui est déjà commencée et dans laquelle nous essayons de nous orienter afin de pouvoir à notre tour y apporter notre contribution. »

Paul Ricœur

*

Impro du soir À l’heure où l’oiseau de Minerve prend son vol nous voilà peuplant notre solitude d’écritures folles en profitant de l’énergie donnée par la chaîne musicale Mezzo Après le concert pour violon de Beethoven que l’on écoute sans le regarder tant le soliste fait de mimiques Nous plongeons dans la rediffusion d’un concert de djazz où les notes et les oreilles se libèrent des semelles de plomb On voit alors et l’on écoute tout ouïe le pianiste Léo Genovese barbe d’un rabbin exégète  cheveux frisés et mains qui se croisent Esperanza Spalding la contrebassiste qui joue comme en extase  – Esperanza Esperanza yo no puedo bailar tchatchatcha – Jack De Johnette à la batterie que tous les fervents de Keith Jarret connaissent et Joe Lovano soufflant dans son sax comme souffle souffle la baleine blanche de Melville Impro du soir aux couleurs des confins d’un monde inédit où l’on jouit des musiciens grâce au cercle ouvert par les nouvelles technologies – l’écran plat du salon et l’écran de cet écrit où se joue notre texte bri-collé comme une partition – tout en dégustant une dorade cuite sur la plancha à la sal gorda et qu’un pêcheur de l’étang de Berre a sorti ce matin devant nous de ses filets On dirait On dirait On en dirait tant On dirait le temps en suspens Ô lac On dirait Ulysse rentrant à Ithaque et ne sachant pas que Pénélope est morte On dirait Orphée revenant des Enfers qui donne sur sa lyre une dernière ode aux  heureux mortels Accrochez-vous au poitrail à la gorge pourpre et aux ailes d’or de l’oiseau Phénix mourant et renaissant et Prenez soin des livres des disparu.e.s qui  dorment dans vos bibliothèques et qui attendent d’être réveillé.e.s et réinterprêtés par les musiciens d’un soir et les aèdes aveugles qui ne sachant plus trop sur quel pied danser sans voir donnent les noms et sans marcher progressent comme disent deux vers traduits de Lao-Tseu…nous n’irons pas plus loin